JULIE BÉNA
Ingrid Luquet-Gad
multiplicités ! […] Faites des cartes, et pas des photos ni des dessins. Soyez la Panthère rose, et que vos amours encore soient comme la guêpe et l’orchidée, le chat et le babouin (1). » Cette phrase, il faut la lire un peu vite, l’arracher à son contexte initial. Alors, évinçant la Panthère rose, c’est Pantopon Rose qui vient s’y tailler une place.
PERSONNAGES FICTIFS
Pantopon Rose est un personnage fictif inventé par Julie Béna. Depuis 2011, la performance Have you seen Pantopon Rose ? active le personnage dont elle emprunte le nom au Festin nu de William S. Burroughs. Cet ambitieux projet évolutif en plusieurs actes, déjà montré à Londres, Montréal et Los Angeles, permet d’entrer de plain-pied dans sa pratique polymorphe. Dans cette « tragédie non tragique », la performance, le théâtre, la musique, la scénographie et l’installation se mêlent. Pantopon Rose ne parle jamais, mais chante et manipule des objets sur la scène, venant relier les fragments épars et créer de la cohérence entre les différents médiums. Tant et si bien que le personnage, tout entier tourné vers son dehors, ne semble pas avoir de consistance propre – il est un embrayeur de récits. Julie Béna ne fait pas de photos ni de dessins, elle fait des cartes. Ou plutôt, les personnages qu’elle invente s’en chargent pour elle. Pas de guêpe, d’orchidée, de chat ou de babouin, mais des créatures hybrides, issues de la culture populaire, réactivées au fil de ses interventions. « Comme pour une série, explique-t-elle, chaque exposition est l’occasion de retrouver ces personnages, avec la même attente que celle que certains ont pu nourrir autrefois pour le rendezvous télévisé hebdomadaire avec Beverly Hills le jeudi. » En 2014, lors de son exposition T&T Consortium, You’re Already Elsewhere au French Institute à New York, on faisait pour la première fois connaissance avec Miss None & Mister Peanut, qu’on retrouve dans chacune de ses deux expositions monographiques ce printemps, Destiny à la galerie Édouard Manet à Gennevilliers et Nail Tang à la galerie Joseph Tang à Paris. Dans des vidéos d’environ trois minutes à l’animation rudimentaire, Miss None, une simple