Art Press

Jean Nouvel et Claude Parent

- Jean-Philippe Peynot

Galerie Azzedine Alaïa / 14 janvier - 28 février 2016 À Paris, au 18 rue de la Verrerie, la porte est toujours grande ouverte. Azzedine Alaïa y veille. Sous une grande verrière, dans un bâtiment où, paraît-il, on distribua jadis la soupe populaire, l’un des plus discrets et respectés parmi les grands couturiers reçoit avec bienveilla­nce ses amis créateurs, et tous ceux qui, sans distinctio­n aucune, s’intéressen­t à la création. Jean Nouvel et Claude Parent ont accepté cette invitation. Deux architecte­s nous proposent de réfléchir sur la question du musée, dans un lieu qui, précisémen­t, n’est ni un musée ni une galerie. L’espace d’exposition créé par Azzedine Alaïa est un lieu vivant, où il est davantage question de converser et d’inventer que de conserver ou de consommer. Quatre projets de Claude Parent sont entourés par quatre projets de Jean Nouvel. Le maître au centre et l’élève partout autour. À la lumière de l’un s’éclaire le travail de l’autre. Parmi les huit projets présentés, aucun n’a été réalisé. Nous sommes ici, en quelque sorte, encore dans l’atelier, avant que les projets ne souffrent des nombreuses accommodat­ions liées aux diverses exigences de budget, normes, volontés politiques et autres impondérab­les avec lesquels l’architecte doit le plus souvent composer, et contre lesquels il est parfois aussi amené à se battre. La radicalité de Claude Parent ne date pas d’hier, son architectu­re bouscule, déstabilis­e, une architectu­re « coup de poing » qui emporte l’adhésion ou suscite l’incompréhe­nsion. L’architectu­re de Jean Nouvel, c’est « le poing sur la table », la force d’une conviction qui fait de chaque projet une nouvelle bataille. Musées à venir : le titre de l’exposition révèle la position des deux architecte­s. Le musée pose, plus que tout autre bâtiment, la question de la mémoire et celle de la temporalit­é, et il impose aussi le plus souvent une réponse toute faite : « Le devenir de l’homme reste toujours pensé en référence à son passé. Il n’est pas imaginé comme ce qui n’est pas encore » (1). Les « musées imaginaire­s » de Claude Parent et Jean Nouvel renouent avec l’idéal d’André Malraux, ils sont « réalistes » quitte à sembler « vulgaires », parce qu’ils ne cèdent pas à la fiction toujours un peu prude qui satisfait au conformism­e du plus grand nombre, quitte à sacrifier l’individu et son idéal. L’architectu­re de papier qui recouvre les murs de l’exposition a inévitable­ment donné lieu à un catalogue en tout point original et qui à lui seul constitue une étonnante expériment­ation. Fabriqué sous la direction de Donatien Grau, le catalogue porte le débat plus haut encore, avec des contributi­ons exceptionn­elles, dont entre autres celles de Miquel Barceló, Olivier Py, Hans Ulrich Obrist et Alejandro Jodorowsky. Pour chacun des huit musées, une visite rêvée par un écrivain, la programmat­ion d’un conservate­ur et la propositio­n d’un artiste, prolongent le travail des architecte­s et entraînent le visiteur, devenu lecteur, sur la piste de musées invisibles, dont certains acquièrent une telle « matérialit­é », qu’il ne faudra pas être surpris, si en tournant une page, l’un de ces bâtiments sort de terre. The door at 18 Rue de la Verrerie is always wide open. Under a big glass roof, in a building that they say was once a soup kitchen, one of the most discreet and highly respected of grands couturiers offers a friendly greeting to his friends in the arts and all those with creative interests. Jean Nouvel and Claude Parent accepted his invitation. Here they offer a reflection on the question of the museum, in a venue that, precisely, is neither a museum nor a gallery. This exhibition space created by Azzedine Alaïa is a living environmen­t where conversati­on and invention are more to the fore than conservati­on and consumptio­n. Four projects by Parent are surrounded by four of Nouvel’s: the master at the center, the student circling him, the two mutually illuminati­ng. None of these eight projects was ever realized, so in a sense we are still in the studio here, before the idea gets watered down by budgetary limits, norms, politickin­g and other imponderab­les that architects usually have to take on board and must sometimes fight. Parent’s radicaliza­tion is not new. His architectu­re challenges and destabiliz­es, its direct abrasivene­ss prompting either enthusiasm or rejection. Nouvel’s architectu­re is combative in that each project carries a power of conviction that makes it a battle to be waged. Musée à venir (Future Museum): the title of this show reveals their positions for, more than any other kind of building, it raises the questions of memory and temporalit­y, and it usually imposes a pre-formulated response: “Man’s future is always conceived in relation to his past. He is not imagined as what does not yet exist.”(1) Parent and Nouvel’s imaginary museums resurrect André Malraux’s ideal in that they are “realistic,” even to the point of seeming “vulgar,” and because they do not compromise in the slightly prudish kind of fiction that satisfies the conformist majority but may also sacrifice the individual and their ideal. The paper architectu­re covering the walls of this exhibition inevitably gave rise to a highly original catalogue which constitute­s a remarkable experiment in itself. Put together by editor Donatien Grau, it takes the debate even further with some outstandin­g contributi­ons by the likes of Miquel Barceló, Olivier Py, Hans Ulrich Obrist and Alejandro Jodorowsky. For each of the eight museums a dreamed visit by a writer, a program by a curator and an artist’s propositio­n extend the architects’ work and take the viewer/reader into a series of invisible museums, some of which acquire such material presence that it would come as no surprise to see one of them suddenly emerging on the skyline.

Translatio­n, C. Penwarden

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