Benjamin Weil post post-Internet
Nommé en janvier 2014 directeur artistique de la fondation Botín, à Santander, en Espagne, après avoir occupé cette même fonction au LABoral, centre d’art et de création industrielle à Gijón, Benjamin Weil est un commissaire d’exposition qui, au fil du temps, a su se frayer un chemin sur la scène internationale entre la communauté des pratiques numériques avec ädaweb, Eyebeam, et le monde de l’art contemporain, au travers notamment de l’ICA (Londres), du SFMoMA (San Francisco) et d’Artists’Space (New York). Comment, à l’heure du post-Internet, la technologie a-t-elle modifié la perception que les artistes ont du monde ? Éléments de réponses avec Dominique Moulon.
Pensez-vous que la Biennale de Venise, au sein de laquelle vous vous êtes investi au milieu des années 1990, soit encore propice à l’émergence ? C’était au sein de la section Aperto, dédiée à la présentation de jeunes artistes. Je faisais alors partie d’une sélection de jeunes commissaires invités par Achille Bonito Oliva, fondateur en 1980 (avec Harald Szeemann) de cette section. Pour ma part, j’avais travaillé avec des artistes comme Dominique Gonzalez-Foerster. La section Aperto ayant disparu, le principe d’un endroit où l’on présente de jeunes artistes n’existe plus à Venise. En revanche, on y fait toujours des découvertes ou des redécouvertes d’artistes de pays ou de cultures que l’on ne connaît pas. Je ne pense pas que la volonté de présenter de jeunes artistes soit aujourd’hui aussi claire qu’elle l’a été, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas.
INTERNET COLONISÉ
Ayant cofondé l’une des toutes premières plateformes de diffusion d’oeuvres en ligne, äda’web, que pensez-vous de la tendance actuelle du post-Internet ? À l’époque où a été initié le projet äda’web, c’était une plateforme de production et de diffusion. L’idée était d’amener des artistes confirmés à travailler en ligne parce que cela correspondait à quelque chose qui, conceptuellement, leur était proche, et d’inviter de jeunes artistes. À l’époque de la création de äda’web, en 1995, on pouvait compter le nombre de sites web existant dans le monde. Nous étions en avance avec ce projet utilisant de nouveaux médias tant comme moyen de diffusion que comme plateforme de réflexion. L’Internet, par la suite, a été totalement colonisé par les activités commerciales et n’a aujourd’hui plus rien d’artistique. Il n’est plus aussi intéressant pour les artistes de se positionner sur Internet pour débattre sur les éléments qui constituent notre culture. Nous passons beaucoup de temps devant les écrans et les artistes s’adaptent aux conditions dans lesquelles ils vivent. Alors peut-être que l’Internet, dans sa version pure player, est moins intéressant pour les artistes qu’il a pu l’être par le passé. Que vous inspire le fait que le département des nouveaux médias de l’Institute of Contemporary Art de Londres, que vous avez dirigé, ait été fermé ? Un besoin avait été identifié par le fondateur du département des nouveaux médias de l’ICA, Sholto Ramsay, mon prédécesseur. L’ICA avait alors mis au point un studio de production en travaillant avec Sun Microsystems qui, à l’époque, était l’un des leaders de l’informa- tique professionnelle. L’idée était que les machines et les ingénieurs de la marque pouvaient aider les artistes à développer des projets ambitieux. Les ingénieurs l’envisageaient comme un laboratoire de recherche et de développement, et les artistes y voyaient une opportunité d’avoir accès à la technologie à laquelle ils n’avaient, d’ordinaire, pas accès. Cela correspondait donc à un besoin spécifique à un moment donné, alors que, maintenant, tout le monde utilise des ordinateurs personnels. Vous avez été le directeur artistique de où cohabitaient des oeuvres résolument numériques avec d’autres qui ne l’étaient guère ! J’ai toujours été intéressé par l’art, mais pas par la technologie. Elle ne m’intéresse que dans la mesure où elle est utilisée par des artistes et qu’elle permet de donner une perspective sur le monde dans lequel nous vivons. C’est comme des crayons, des toiles ou du bronze, elle fait partie de la palette que les artistes peuvent utiliser et je n’ai jamais organisé quoi que ce soit qui ne soit avant tout de l’art. De l’art technologique, oui, bien sûr, mais pas de la technologie artistique. Par exemple, les formes émergentes d’art issues