Daniel Vermeiren
Frac Bretagne / 14 janvier - 23 avril 2017
S’il s’est d’abord interrogé sur les conditions d'apparition et de réalisation de la sculpture (la Collection de solides), sur la façon de la présenter en abordant la question du socle, Vermeiren s’est aussi très rapidement penché sur la façon de la représenter, et ce de manière autonome. La photographie est depuis lors devenue un des éléments constitutifs de son travail. Il s’inscrit en cela dans une tradition qui remonte à Rodin, Bourdelle, Brancusi et Giacometti, pour ne citer que ceux-là. Comme l’ont montré nombre de ses expositions – et celle- ci, intitulée Construction de distance, ne déroge pas à la règle –, la photographie y tient une place d’autant plus prépondérante qu’elle est elle-même l’objet de nombreuses expérimentations, tant dans sa réalisation (les photographies lenticulaires) que dans son exposition ( les Photoreliefs). En dehors de son aspect documentaire, la photographie révèle autre chose du travail de Vermeiren : comment déterminer, percevoir, expérimenter, transmettre le mouvement dans la sculpture. Les sculptures sont certes statiques mais, pour un certain nombre d’entre elles, rarement exemptes d’une mise en déséquilibre qui semble défier les lois de la pesanteur en les poussant à leurs limites : certaines sculptures de Vermeiren donnent l'impression de pouvoir basculer à tout moment, de pouvoir se déplacer sur leurs roulettes. Nous croyons voir les formes s’échapper de leurs moules entrouverts ou les socles se retourner les uns sur les autres. Toutes ces oeuvres sont déterminées par une extraordinaire tension interne. Si cette mise sous tension est spécifique à certaines oeuvres, leur réunion dans un espace d’exposition accentue cet effet. Dès que l’on pénètre dans une salle, on perçoit cette énergie en suspension. On ne peut pas parler de mise en scène, mais plutôt de la mise en place d’un dispositif millimétré qui dispose les sculptures en résonance les unes avec les autres, comme s’il s’agissait d’établir un scénario qui déterminera le parcours du visiteur. De long en large, d’avant en arrière, apparaissent des balises qui scandent l’espace et offrent des points de vue inédits sur les oeuvres exposées, quelle que soit la matière utilisée. C’est là aussi une des forces de ce travail, qui affirme son homogénéité malgré la diversité des matériaux utilisés : pierre, plâtre, bois, terre cuite, fibre de verre ou bronze. Tout son travail s’articule entre le positif et le négatif, le vide et le plein, le poids et la masse, la surface et le volume. Il s’agit tout à la fois d’en briser les codes en réfléchissant à leurs modes de fonctionnement, tout en s’en inspirant pour les détourner subrepticement, et s’inscrire ainsi dans l’histoire de la sculpture et de son mode opérationnel.
Bernard Marcelis While he began by questioning the conditions of the appearance and realization of sculpture (the “Collection of Solids”) and how to present it, by addressing the question of the base, Didier Vermeiren was also quick to deal with the way of representing it, and with making this autonomous. This was when photography became one of the constituent elements of his work. In this respect he belongs in a tradition that goes back to Rodin, Bourdelle, Brancusi and Giacometti, among others. As many of his exhibitions have shown—including this one, titled Construction de distance— photography is all the more prominent in his practice because it is the medium of many experiments, as regards both realization (lenticular photographs) and exhibition (the “photoreliefs”). Apart from its documentary aspect, photography reveals something else about Vermeiren’s work: how to determine, perceive, experience and convey movement in sculpture. The sculptures may be static, but many of them are also subject to an imbalance that pushes them to their limits and makes them seem to defy gravity. Some of Vermeiren’s sculptures look as if they might be about to tip over at any moment, and to be capable of moving on their wheels. We think we see the forms escape their half-open molds or the bases turning over on each other. All these works are determined by an extraordinary internal tension. This tension inherent in certain works becomes more acute when several works are brought together in the exhibition space. As soon as we enter a room, we perceive this suspended energy. We cannot speak of mise-en-scène here, but rather of the institution of a very precise apparatus that creates resonance between the sculptures, as if scripting a scenario that will determine the visitor’s movements through them. From one side to another, forward and back, markers appear that punctuate the space and offer new viewpoints on the exhibited works, whatever the material used. That is another of the strengths of this work which affirms its homogeneity, whatever the materials used, be they stone, plaster, terracotta, fiberglass or bronze. All his work is articulated between the positive and the negative, empty and full, weight and mass, surface and volume. The purpose is to subvert codes by pinpointing the way they work, while at the same time subtly appropriating them and thus taking up position within the history of sculpture and its modus operandi.
Translation, C. Penwarden