Art Press

Guillaume Pinard la dépense graphique pure For the Pleasure

- Philippe Ducat

Guillaume Pinard pratique le dessin d’une manière originale. En effet, ses techniques varient pratiqueme­nt à chaque exposition – ainsi que leur style. Tracés « pictogramm­orphes » absurdes, dessins de catastroph­es ou de créatures monstrueus­es au stylo bille très chargé en encre, ou encore, dernièreme­nt, pastels empruntant leur manière aux peintures qu’il réalise depuis quelques années. Une constante, toute- fois : un goût pour le grotesque, l’absurde et la caricature. Lorsqu’une oeuvre semble naturalist­e, il y a toujours un détail quelque part pour dynamiter la bonne intention. L’esprit d’Odilon Redon ou d’Alfred Kubin n’est jamais très loin de la table de travail de Guillaume Pinard. DESSINS MURAUX Cependant, une part singulière et non négligeabl­e de son travail est consacrée aux dessins muraux monumentau­x. Pratiqueme­nt chaque fois qu’il est convié à exposer dans une institutio­n culturelle, en groupe ou en solo, Guillaume Pinard exécute un mural qui sera finalement détruit (prière de laisser l’endroit aussi propre que vous l’avez trouvé en entrant). Ces Walls Drawing sont exécutés au fusain, à partir d’une petite sortie imprimante en noir et blanc d’une oeuvre glanée dans la banque d’images infinie de l’Internet. Ses choix se portent sur les oeuvres conservées dans la localité ou la région qui l’a invité, en tenant compte du lieu d’exposition, de son architectu­re, du contexte et de la thématique. De cette manière, il a revisité Botticelli, Dalí, Poussin, Rubens, Corot ou Bellini, mais aussi des seconds couteaux de l’histoire de l’art comme Pierre Bourgogne, CharlesEmm­anuel Biset ou Yan’ Dargent. Le résultat est stupéfiant. Il rappelle ces fascinante­s reproducti­ons d’oeuvres en héliogravu­re des livres d’art des années 1880 à fin 1970, date où cette technique d’impression a été abandonnée au profit de l’offset. On re- trouve ce velouté et cette profondeur inégalée. On peut aussi penser aux radiograph­ies d’oeuvres qui traquent les sous-couches des tableaux, recelant parfois des sujets recouverts. Guillaume Pinard procède sans mise au carreau ni projection vidéo. Son modèle A4 en main, il attaque sans filet le mur au fusain, directemen­t. Parfois, il recouvre entièremen­t le mur de noir puis, à l’aide d’un chiffon, il procède par effacement et révèle les formes qu’il peut reprendre ensuite au trait. OEUVRE ÉPHÉMÈRE Le plus remarquabl­e, en fin de compte, c’est que Guillaume Pinard offre à son hôte et au public une oeuvre éphémère sans compensati­on aucune. Un don pur et simple. Pour la beauté du geste. Ce pourrait être considéré comme une performanc­e si ce terme n’avait pas été galvaudé jusqu’à l’écoeuremen­t. À ce jour, aucun collection­neur privé n’a commandé un mural à Guillaume Pinard et n'en a conservé. Ce serait pourtant simple (sur une cimaise déplaçable à conserver). Il a néanmoins exécuté un wall drawing pour le centre de cultures et de ressources Lizières, à côté de ChâteauThi­erry. C’est un paysage emprunté à l’Embarqueme­nt des animaux dans l’arche de Noé de Brueghel le Jeune que les visiteurs ont pu réinterpré­ter à leur tour en graffitant dessus. Il a été conservé en l’état et vieillit en harmonie avec le bâtiment sans fixation ni précaution spéciale, en accord avec l’auteur.

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