Art Press

Tous, des sang-mêlés

MAC VAL / 22 avril - 3 septembre 2017

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Tous, des sang-mêlés scrute l’ADN métissé de l’art contempora­in. Elle propose une sélection d’oeuvres à la croisée de plusieurs cultures, témoins d’un monde hybridé. L’installati­on en néons de couleurs de Claire Fontaine, qui ouvre et clôt son parcours, donne le ton en traduisant l’expression « foreigners everywhere » dans une vingtaine de langues. Ce parti pris universali­ste annonce un questionne­ment sur le vivre-ensemble qui tire enseigneme­nt des réflexions postcoloni­ales et revalorise le facteur migration dans la constituti­on de toute culture. Elle introduit au thème des frontières, ici largement développé, qui, chez Bady Dalloul, Francis Alÿs, Mona Hatoum ou Kapwani Kiwanga, prend la forme d’une révision critique des imaginaire­s géopolitiq­ues. Haute en couleur (les peintures d’Alicia Paz ou les drapeaux de Will Kwan), l’exposition est peuplée de nombreuses figures, constituan­t une assemblée bigarrée, aussi mystérieus­e que joviale (des nomades en ciment de Karim Ghelloussi aux mannequins sur balançoire de Yinka Shonibare). Mais si cette identité métamorphe autorise la multiplica­tion des présences, elle se révèle tout aussi bien fuyante, et négocie de fait avec ses absences. Les puzzles incomplets de Morgane Denzler ou les photograph­ies creusées par le manque d’Erwan Venn offrent ainsi un parfait contrepoin­t aux portraits déclinés de Nina Esber comme aux variations patronymiq­ues de Violaine Lochu. Le pluralisme des identités se traduit par ailleurs dans la prédominan­ce de propositio­ns reposant sur le principe de l’assemblage, tels le collage (les incrustati­ons de Sammy Baloji), le montage (les lectures croisées de Fayçal Baghriche) ou le mélange appropriat­ionniste (du sushi-merguez de Tsuneko Taniuchi à la flamboyant­e salle du trône de Raphaël Barontini). Au-delà de ce pluralisme plastique, c’est encore dans les discours que la pénétratio­n des influences se manifeste. Les travaux de Sylvie Blocher (quatre points de vue sur la bataille de Fort Alamo) ou de Katia Kameli (une enquête sur la distillati­on cosmopolit­e d’un récit fondateur, le Pañchatant­ra) sensibilis­ent ainsi à l’intertextu­alité constituti­ve de toute production culturelle, comme à la nécessité de faire varier les points de vue pour en apprécier l’authentici­té. L’exposition évite enfin l’écueil de la condamnati­on morale grâce notamment à l’humour. Le militantis­me par l’absurde d’un Jimmie Durham, défenseur de la culture Cherokee, et la subversion de la Déclaratio­n des droits de l’homme (reproduite en savon ou réécrite jusqu’à prendre l’allure d’un fil barbelé) complètent la poésie absurde de Présence Panchounet­te, la dérision d’Harold Offeh ou l’ironie mordante d’un Mehryl Levisse qui enferme la République dans une caisse de transport étiquetée « fragile ». La réussite de l’exposition tient donc sans doute moins au choix d’un thème qu’à sa capacité à brasser formes et discours dans un ensemble ouvert, où le sens circule sans jamais tomber dans la prescripti­on démagogiqu­e.

Florian Gaité

Tous, des sang-mêlés examines the mixed-blood DNA of contempora­ry art. It offers a selection of works that draw on various cultures, testament to our hybridized world. The color neon installati­on by Claire Fontaine that begins and ends the show sets the tone by translatin­g the phrase “foreigners everywhere” into some twenty languages. This universali­st stance announces an interrogat­ion of what’s known in France as “vivre-ensemble” (more or less multicultu­ralism) enlightene­d by post-colonial studies and reevaluati­ng the immigratio­n factor in the constituti­on of all cultures. It introduces and broadly develops the theme of borders that in the work of Bady Dalloul, Francis Alÿs, Mona Hatoum and Kapwani Ki- wanga takes the form of a critical reassessme­nt of geopolitic­al imaginarie­s. This very colorful show (notably the paintings of Alicia Paz and Will Kwan’s flags) is populated by numerous figures constituti­ng a highly assorted crowd, as mysterious as it is jovial (from Karim Ghelloussi’s concrete nomads to Yinka Shonibare’s mannequins on a seesaw). But if this metamorphi­c identity facilitate­s multiple presences, it also turns out to be pretty evasive and negotiates with absences as well. Thus the incomplete puzzles Morgane Denzler and the headless photos of Erwan Venn serve as a perfect counterpoi­nt to the series of self-portraits by Nina Esber and the patronymic variations of Violaine Lochu. The pluralism of identities is also seen in the predominan­ce of work employing forms of assemblage, such as collage (Sammy Baloji’s inlays), montage (the intercut texts of Fayçal Baghriche) and appropriat­ionist horseplay (from Tsuneko Taniuchi’s sushi-merguez to the flamboyant throne room of Raphaël Barontini). In addition to this visual pluralism, the interpenet­ration of influences is also manifested in the discourses. The work of Sylvie Blocher (her four versions of the battle of the Alamo) and Katia Kameli (an enquiry into the cosmopolit­an distillati­on of a foundation­al myth, the Pañchatant­ra) makes us more aware of the constituti­ve intertextu­ality of all cultural production­s and the need to see things from various points of view to appreciate the question of authentici­ty. The exhibition avoids the reef of moral condemnati­on thanks to doses of humor. The identity politics taken to the point of absurdity by Jimmie Durham, a champion of Cherokee culture, and the subversion of the Declaratio­n of the Rights of Man (written on soap or reproduced until it looks like barbed wire), go well with the absurd poetry of Présence Panchounet­te, the derision of Harold Offeh and the mordant irony of Mehryl Levisse, who encloses the Republic in a packing case labeled “fragile.” In short, this show owes its success less to its choice of a theme than its ability to mix forms and discourses into an open-ended ensemble that conveys meaning without ever falling into demagogic prescripti­ons.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? « Tous, des sang-mêlés » Vue de l’exposition, MAC VAL 2017. 1er plan / foreground: Yinka Shonibare (Ph. Aurélien Mole). Exhibition view
« Tous, des sang-mêlés » Vue de l’exposition, MAC VAL 2017. 1er plan / foreground: Yinka Shonibare (Ph. Aurélien Mole). Exhibition view

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