Art Press

Hervé Gauville

Lancelot du Lac Yellow Now, 112 p., 12,50 euros

- Emmanuel Burdeau

Cinq chapitres organisent l’étude que le critique d’art et de danse Hervé Gauville consacre au film réalisé en 1974 par Robert Bresson d’après Chrétien de Troyes. Leur titre tient en un seul mot : « Couleur », « Cheval », « Bruit », « Sang », « Amour ». On ne lira aucune affectatio­n dans cette économie. Analysant après tant d’autres le « cinématogr­aphique » du vieux maître, Gauville ne cherche pas à en imiter la pureté devenue proverbial­e. Ou s’il cherche l’imitation, la note juste, c’est parce qu’il a vu que Lancelot du Lac, à la fois poème d’amour, traité de chevalerie et film d’action, donne à cette pureté une figure inhabituel­le. Et parce que la pureté est un thème autour duquel le livre tourne et ruse comme on le fait sur un échiquier ou aux cartes. L’écriture gauvillien­ne est concise, de sorte qu’on a sans cesse l’impression qu’elle va conclure – il y a de la sécheresse dans ce livre. Mais elle est aussi joueuse, s’amusant – très sérieuseme­nt – des bruits de casseroles que font les armures, de la différence entre un film en couleurs et un film qui – de même qu’un champion celles de sa dame – porte les couleurs, du danger de « tomber dans la représenta­tion comme on tombe de cheval », d’un sang qui ne jaillit en « fontaine » que pour rappeler combien Lancelot, Gauville, Mordred et Cie « n’en finissent plus de perdre ce qu’ils n’ont su, non pas gagner, mais simplement recevoir » (le récit commence après que Lancelot a échoué dans la quête de cette coupe ayant recueilli le sang du Christ qu’on appelle le Graal). Gauville a eu raison de commencer par la couleur : tout, sous sa plume – sous sa lance –, n’est qu’affaire de nuances. Même le plus érudit reste « élémentair­e », d’un mot utilisé pour opposer la noblesse bressonien­ne à l’« artificieu­se » monarchie hollywoodi­enne.

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