Jennifer Caubet
Jennifer Caubet
Galerie Jousse entreprise / 7 septembre - 10 octobre 2017
C’est à bord d’un camping-car que Jennifer Caubet a exploré le désert californien de Mojave. Un territoire riche en contre-cultures, technologies, échecs, fictions. L’artiste a basé sa recherche sur des lieux spécifiques : une ville de lumière, un lac asséché ou encore un stand de tir à ciel ouvert. Pour se déplacer et se repérer dans l’espace, elle a utilisé différents outils comme une carte, une boussole, un GPS. Pendant plus d’un mois, chaque déplacement donne lieu à des mesures, des tracés, des angles, qu’elle consigne avec précision. Le camping-car devient un point dans l’espace, un point de départ et de retour, un espace à son échelle perdu dans un espace démesurément grand. À son retour en France, les mesures ont trouvé différentes traductions plastiques. Un tissage formé d’un fond gris et de fines lignes noires fait état de ses expériences de marches dans le désert. Autour de petits documents transposés en graphite (une vue de Lockart, une base militaire aujourd’hui enfouie sous le sable et les cailloux, et une vue de Yucca Mountain, une montagne aux abords ultra-sécurisés, creusée pour stocker les déchets radioactifs), elle reprend les tracés de ses trajets. Les lignes, neutres et objectives, témoignent de parcours, de tentatives, de pertes et de dérives. Les oeuvres résultent d’une synthèse entre deux courants historiques, celui de l’art minimal et celui du land art. Plus loin, aux murs, l’artiste présente des sérigraphies réalisées à partir de scans de sols. Au moyen d’un scanner portatif et d’une plaque de verre, elle a prélevé des fragments de désert, plus spécifiquement des zones situées en dessous du niveau de la mer. Les images sérigraphiées sont filtrées par plusieurs passages de couleurs pour en perdre l’efficacité et l’objectivité. Au premier plan, les échantillons terrestres sont partiellement recouverts d’un quadrillage cartographique tracé à l’encre. Une nouvelle fois les échelles sont brouillées. Une autre série, CAIRN, prend appui sur des photographies d’objets criblés de tirs de balles rencontrés le long d’Enchanted Road. Jennifer Caubert enregistre les objets, une machine à laver ou une gazinière, devenus des cibles pour le loisir des familles. Les photographies originales sont progressivement recouvertes d’encres colorées amenant les images vers une quasiabstraction. La seconde partie de l’exposition se concentre sur Ivanpah, une centrale solaire thermodynamique située près de Las Vegas. Dans le désert, environ 175 000 miroirs sont déployés au sol pour recevoir la lumière du soleil, faire bouillir l’eau récoltée dans d’immenses tours et produire de l’électricité. Au moyen d’encres sur papier et de sculptures fontaines, l’artiste mène une réflexion nourrie de réalité et de (science) fiction, d’utopies et de dystopies, sur l’absurdité des constructions humaines, dysfonctionnelles et excessivement agressives d’un point de vue environnemental.
Julie Crenn ——— The Californian desert is rich in vestiges of countercultures, technologies, failures and fictions. Driving around in a camping car, Jennifer Caubet focused on a series of resonant sites: a “city of lights,” a dried-up lake, and an open-air shooting range, for example. To move around and get her bearings in space, she used a map, a compass and satnav. For each trip, she made measurements, traced trajectories and angles, and noted them down with great precision. The camping car becomes a point in space, a point of departure and return, a space on her scale lost in another huge space. Returning to France, the measures were translated into various forms. A weave formed by a gray ground and fine black lines records her walks in the desert. Around graphite transpositions of various documents (a view of Lockhart, a military base now buried under sand and stones, and a view of the high-security Yucca Mountain, used to stock nuclear waste), she reprises the trajectories of her movements. The neutral, objective lines record routes, attempts, losses and drifts. The works are produced by the synthesis of two historical movements, Minimalism and Land Art. Further on, on the walls, the artist presents silkscreens based on scans of the ground. Using a portable scanner and a glass plate, she sampled fragments of desert, and particularly zones below sea level. The silkscreened images are filtered by several layers of color so that they lose their effectiveness and objectivity. In the foreground, samples of earth are partially covered by a cartographic grid drawn in ink. Once again, the scale is blurred. Another series,
CAIRN, uses photographs pocked with bullet holes found along Enchanted Road. Caubet records objects—a washing machine, a gas cooker—that became the target for family leisure activities. The original photographs were cumulatively covered with colored ink, moving the images towards virtual abstraction. The second part of the exhibition concentrates on Ivanpah, a solar thermal plant near Las Vegas. In the desert, some 175,000 mirrors are laid out on the ground to pick up the sunlight, which then boils the water gathered in huge towers and generates electricity. Using ink and paper and fountain sculptures, the artist draws on (science) fiction, utopias and dystopias as she reflects on the absurdity of human constructions that are dysfunctional and excessively aggressive to the environment.
Julie Crenn Translation, C. Penwarden