Art Press

Lili Reynaud-Dewar.

- Julien Bécourt

Faisant appel à une multiplici­té de références et de thématique­s, de la contre-culture musicale (noise, hip-hop, free jazz) au design radical en passant par l'histoire du cinéma et de l’art conceptuel, Lili Reynaud Dewar trace une perspectiv­e oblique entre son histoire intime et l’histoire des luttes sociales, vues à travers le prisme d’un monde globalisé : émancipati­on raciale et sexuelle, combat pour les droits civiques ou revendicat­ions identitair­es.

Dans ses displays, à la fois atomisés et unis par un seul et même fil rouge, l’artiste fait exploser les barrières entre les genres et sous-genres de la culture contempora­ine. Lili Reynaud-Dewar convoque fréquemmen­t dans son travail des icônes de la transgress­ion culturelle, tels que l'écrivain et militant Jean Genet, le designer italien Etorre Sottsass, la théoricien­ne du cyberfémin­isme Donna Haraway, le musicien visionnair­e Sun Ra ou la meneuse de revue Joséphine Baker, mais aussi de jeunes artistes ancrés dans la contre-culture undergroun­d (Macon, Hendrik Hegray, Lionel Fernandez). L'exposition autant que le texte lui permettent de remettre en mouvement des identités figées, tout en questionna­nt le rôle de la galerie et la fonction de l’objet d’art. S’accaparant l’espace d’exposition pour le transforme­r en espace domestique, cette féministe 2.0 démultipli­e sa propre identité, en quête d’un art utopique qui serait le catalyseur des révoltes et des combats sociaux. Son oeuvre, qui a fait l’objet de nombreuses exposition­s monographi­ques, couvre un spectre très large de mediums, au miroir l’un de l’autre : vidéo, sculpture, peinture, musique, danse, théorie… Chacune des références ricoche sur une autre, jusqu’à former une cosmogonie conceptuel­le qui puise dans des registres variés. Néanmoins, Lili Reynaud-Dewar esquive l’écueil du métadiscou­rs postmodern­e pour élaborer une forme de sémiologie poétique, qui renvoie à l’histoire de notre société et aux révolution­s qui couvent sous la surface clinquante de l’hyper-modernité. Lauréate du Prix Ricard en 2012, elle n’a de cesse d’étendre les ramificati­ons de son oeuvre au-delà du white cube, pour l’inscrire dans la vie elle-même, comme le laisse songer sa récente performanc­e Dents, gencives, machines, futur, société ( voir artpress n°438 / cahier spécial New Settings, p. 35), accompagné­e d’une vidéo tournée l’an dernier à Memphis. Une art isteactivi­ste, en somme.

Julien Bécourt est auteur et critique indépendan­t. Vue de l’installati­on « Live Through That?! ». 2014. New Museum, New York. (© Lili Reynaud-Dewar. Court. l’artiste, galerie kamel mennour, Paris/London et New Museum, New York. Ph. Benoit Pailley). Installati­on view at the New Museum

With her appeal to a multiplici­ty of references and themes, from music countercul­tures (noise, hip-hop, free jazz) to radical design and the history of cinema and conceptual art, Lili Reynaud Dewar draws an oblique line between her personal story and the history of social struggles as seen through the prism of a globalized world, for racial and sexual emancipati­on, civil rights and the demands of identity politics. In her displays, simultaneo­usly atomized and thematical­ly coherent, she blows up the barriers between the various genres and subgenres of contempora­ry culture. Reynaud-Dewar’s work frequently evokes icons of cultural transgress­ion such as the writer and activist Jean Genet, the Italian designer Ettore Sottsass, the theoretici­an of cyber-feminism Donna Haraway, the visionary musician Sun Ra and uber-entertaine­r Josephine Baker, along with today’s young artists whose work is rooted in undergroun­d counter-culture like Macon, Hendrik Hegray and Lionel Fernandez. Both the exhibition and the text allow her to set frozen identities into motion while interrogat­ing the role of the gallery and the function of art objects. Taking ownership of the gallery space to transform it into a domestic space, this adept of feminism 2.0 likes to create multiple clones of her own identity in a quest for a utopian art that catalyzes social revolts and combats. Her work, featured in many solos shows, covers a broad spectrum of inter-mirroring media such as video, sculpture, painting, music, dance and theory. Each of her references ricochets against another until they come together in a conceptual cosmology drawing on varied registers. Neverthele­ss, Reynaud-Dewar avoids the reef of postmodern­ist metadiscou­rse and instead elaborates a kind of poetic semiology that revisits the history of our society and the revolution­s hatching under the flashy surface of hypermoder­nity. Winner of the Ricard prize in 2012, she ceaselessl­y strives to extend the ramificati­ons of her production beyond the white cube so that it becomes inscribed in life itself, as suggested by her recent performanc­e Dents, Gencives, Culture, Société (see artpress no. 438, special New Settings supplement, p. 35), accompanie­d by a video shot last year in Memphis. In short, an artist/activist.

Translatio­n, L-S Torgoff

Julien Bécourt is an independen­t author and critic. Lili Reynaud-Dewar Née en 1975. Vit à Grenoble. Post-diplôme internatio­nal de l’École des beaux-arts de Nantes de 2004 à 2006. Elle a fait partie des artistes invités à la 56e Biennale de Venise en 2015, la Biennale de Lyon 2013, la 5e Biennale de Berlin en 2008. Elle est co-fondatrice de la revue féministe Pétunia avec Dorothée Dupuis et Valérie Chartrain, et enseigne à la Haute école d’art et de design de Genève depuis 2010. Exposition­s personnell­es récentes : 2016 Dents, gencives, machines, futur, société, kamel mennour, Paris ; New Settings, Fondation d’entreprise Hermès, Théâtre des amandiers, Nanterre ; Kunstverei­n Hamburg, Allemagne ; On How to Talk Dirty and Influence People (avec Owen Piper), SALTS, Bâle ; Irreversib­le Intrusion (avec Isaac Julien), K11, Shanghai ; Safe Space, Emanuel Layr, Vienne ; I Sing The Body Electric, Contempora­ry Art Museum Saint Louis, Missouri ; Clearing, New York 2017 Dents, gencives, machines, futur, société, De Vleeshal, Middleburg, Pays-Bas ; Museion, Bolzano, Italie

Vue de l’exposition « Dents, gencives, machines, futur,

société ». Galerie kamel mennour. 2016. (© Lili ReynaudDew­ar. Court. l’artiste et galerie kamel mennour, Paris/London. Ph. Julie Joubert & archives kamel mennour).

Exhibition view at Kamel Mennour, 2016

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