Séverine Hubard.
Suivant une pratique qui mêle archéologie, sculpture et architecture, Séverine Hubard poursuit une recherche sur l’acte de construire en milieu urbain. Liées au contexte qui les accueille, ses interventions prennent la forme de structures bricolées avec des matériaux de récupération excavés sur les lieux même de ses résidences.
Artiste itinérante sans atelier fixe, Séverine Hubard s’emploie à révéler la poésie des zones périurbaines, à travers l’édification de structures faites de bric et de broc, comme autant d’architectures dysfonctionnelles qui auraient été disséminées dans le paysage de la ville. C’est toujours selon un équilibre instable entre construction et déconstruction que Séverine Hubard élabore ces assemblages, s’inscrivant dans la continuité des « mises en boîte » de l’artiste allemand Manfred Pernice ou des structures en Formica de Richard Artschwager, en version « pauvre ». Le caractère précaire et éphémère de ces édifices – qui en restent parfois au stade virtuel – est primordial pour Hubard qui investit d’abord les lieux à la recherche de matière première. Des lieux décentrés, friches ou bâtiments décrépis, qui forment le reflet de cet insaisissable « esprit des villes », une zone de l’entre-deux qui aurait conservé des vestiges d’un passé récent – traces, résidus ou empreintes matérielles. Le travail de Séverine Hubard nourrit une réflexion sur la mémoire qui s’y est incrustée, l’histoire qui s’y est sédimentée. Durant quelques mois, c’est ce territoire tout entier qui devient son atelier, en relation avec la population qui l’habite. Cette fabrique de contre-espace, créant des ponts entre intérieur et extérieur, fait ressembler son travail à un chantier permanent – nomade, instable et mouvant. Mais c’est aussi la confrontation des oeuvres avec l’es- pace public et la vie de la cité qui dynamise son travail, sous-tendu par des enjeux sociaux et politiques. Ainsi, elle débute en 2004 la réalisation d’une maquette monumentale de 200m2 qui met à contribution les habitants de tout un quartier, leur conférant la main mise sur leur environnement à travers une proposition d’habitat utopique. De même, dans ses modélisations 3D, ses réappropriations de mobilier urbain, ses moulages ou ses multiples maquettes, elle met en scène l’espace public comme espace de socialisation à reconquérir. En valorisant ainsi l’interactivité et la déambulation in situ, débordant hors du cadre de l’exposition, Hubard pointe le statut de l’oeuvre d’art en elle-même. Un geste, un déplacement, une construction collective peuvent-ils faire oeuvre ? Au fétichisme de l’objet réifié, Hubard oppose une action concrète sur le terrain qui réconcilie logos et topos.
« Hyacinthe descendue de l’arbre ». 2010. Vue de l’exposition « Habiter poétiquement ». Musée d'art moderne, contemporain et d'art brut de Lille métropole. Charpente en Douglas, vis, tire-fond, cheville en accacia, 10 fenêtres PVC. Diamètre : 4,4m. Hauteur : 4,2m. (Court. galerie Eva Meyer).
In a practice mixing archeology, sculpture and architecture, Séverine Hubard does context-specific interventions in the built environment with structures put together from recycled materials found on the locations of her residencies. An itinerant artist with no permanent studio, Séverine Hubard aims to bring out the poetry of outlying cityscapes by erecting buildings and other structures made of assorted recycled materials that look like they were strewn here and there by a mad architect. There’s always an unstable equilibrium between construction and deconstruction in Hubard’s assemblages, not unrelated to the containers of the German artist Manfred Pernice or an Arte Povera version of Richard Artschwager’s Formica structures. The precarious and ephemeral nature of these edifices—sometimes never getting past the virtual stage—is foundational for Hubard, who scours her sites ahead of time looking for raw materials. She favors out-ofthe-way places, vacant lots or decrepit buildings that conserve an ineffable “city spirit,” marginal areas bearing the vestiges of a recent past—traces, residue or other material imprints. Hubard’s work is about the memory that resides in such settings and the sedimentations of history. During the span of a few months a whole neighborhood and its inhabitants can become her studio. This construction of counter-spaces, bridges between the interior and exterior, makes her practice seem like a permanent work in progress—nomadic, unstable and always moving. But the faceoff between her structures and public spaces and city life is what allows her to address underlying social and political issues in such a dynamic way. For instance, in 2004 she mobilized a neighborhood’s residents to make a two hundred square meter model of a utopian housing project, in this way taking back, symbolically, their environment. Through her 3D modeling, reappropriation of street furniture, castings and many maquettes, she restages public spaces as socialization zones to be reconquered. By privileging interactivity and on- site strolls, freeing her work from the confines of the exhibition space, Hubard is questioning the status of the artwork itself. Can an act, a displacement or a collective construction constitute an artwork? In opposition to the fetishism of the reified object, she offers a concrete, collective, locally grounded action reconciling logos and topos.
Translation, L-S Torgoff
« Komet(s) ». 2016. Vue de l’exposition « Un si joli village ». Les Ateliers des Arques. Peinture vernis, peinture phosphorescente, angles métal, colle à bois et vis. (Court Eva Meyer. Ph. Nelly Blaya). Exhibition view
« Rigole (la maison des surveillants de la source en
chantier) ». 2013. Musée éclaté de la presqu'île de Caen MEPIC, Bénouville. Sur une proposition des Bains Douches (Basse-Normandie). 2 containers, 80 palettes, charpente et structure en métal, profil U en mousse bleue, béton cellulaire et 1000 kg de plâtre, copeau de bois : 12×8×3,8 m. (Court. galerie Eva Meyer). Séverine Hubard Née en 1977 à Lille. Vit et travaille à Buenos Aires. Diplômée de l’École des beaux-arts de Nantes en 2001. Artiste-chercheuse engagée dans le groupe de recherche « À propos d'une nouvelle école » à l'École des beaux-arts de Nantes en 2008. Expositions personnelles récentes : 2015 Socorro Ocoro, Plaza Manzana Uno, Santa Cruz Sierra, Bolivie ; Métakiosque, Jardin du campus de Strasbourg 2016 Galerie Laurence Bernard, Genève Expositions collectives récentes : 2014 EPITOPOU, Livadia, Andros, Grèce ; Festival FUGA Industrial, Fundacion Lebenson, Buenos Aires 2015 À l’angle des mondes possibles, Oujda, Maroc