Gregory Crewdson
Galerie Daniel Templon / 8 septembre - 29 octobre 2016 Présentée conjointement à Paris et à Bruxelles, cette nouvelle série de photographies intitulée Cathedral of the Pines se démarque des précédentes tout en restant parfaitement dans son style et sa manière de faire. La dimension cinématographique de l’oeuvre est plus que jamais présente, les mises en scène étant méticuleusement conçues et réalisées en collaboration avec une véritable équipe de tournage. On y retrouve ses ambiances étranges dues à la lumière entre chien et loup. Celle-ci plonge les lieux autant que les personnes dans un entre-deux énigmatique. S’agit-il du début d’une scène ou de sa conclusion ? Il est difficile de se prononcer, car Gregory Crewdson possède cette rare capacité d’étirer le temps dans une seule image, même si l’on imagine que les prises de vue ont dû être nombreuses et qu’un important travail de postproduction s’est ensuivi. Les rues et les intérieurs de maisons des petites villes américaines laissent ici la place à la nature et au paysage que peuplent toujours quelques bâtisses. Celles-ci sont à la fois largement ouvertes sur l’extérieur, comme si le paysage entrait de plein cadre dans la maison, celle-ci étant parfois réduite à un simple décor, propice à révéler l’intériorité figée des quelques femmes et des rares hommes qui y figurent. Leur posture statufiée fait songer à des personnages de cire dont l’expression du visage, la posture et le positionnement trahissent une extrême lassitude face à un événe- ment, lui aussi en suspension. Tout semble dans l’attente d’un geste ou d’une quelconque intervention : la porte du van est restée ouverte, celle de la terrasse est entrebâillée, les fenêtres coulissantes sont relevées, la porte du garage également. Tout est codifié : les personnages, la plupart du temps à moitié dénudés, sont soit disposés à l’intérieur, et ils apparaissent en plan rapproché, soit ils se trouvent plus éloignés dans la nature. Une seule image fait exception, The Shed, avec une quasi-fusion entre les plans intérieur et extérieur, comme si la belle perspective des images bien construites se dissolvait ici entre les fenêtres presque opaques d’une cabane et l’humidité de l’air dont on perçoit la moiteur, sur un fond d’arbres. Entre les deux, figée sur une pelouse en mauvais état, une jeune femme occupe tout l’espace de l’embrasure de la porte, l’air désespéré face à un tas informe de broussailles qui lui a maculé les mains. L’image est saisissante de réalisme dans un dénuement qui est loin d’être de façade. Nous sommes au Massachusetts, dans la petite commune rurale de Becket, où Gregory Crewdson est venu se ressourcer et retrouver son inspiration : « C’est au coeur de ces forêts que j’ai finalement senti l’obscurité se lever, que je me suis reconnecté avec mon processus artistique et que j’ai évolué vers une période de renouveau et d’intense créativité », explique-t-il. Shown jointly in Paris and Brussels, this new series of photographs titled Cathedral of the Pines stands apart from the preceding ones, even if the style and technique are unchanged. These new works are even more strongly cinematic than ever, with meticulously conceived staging produced with a real crew, but they have the same enigmatic atmosphere due to that crepuscular lighting which immerses the places and protagonists in an ambiguous atmosphere. Is this the beginning of a scene or its conclusion? It is difficult to say, because Crewdson has that rare ability to stretch time within a single image (even if we can of course imagine the many photos behind the one we are seeing, as well as the importance of the postproduction work). Here the streets and home interiors of small American towns give way to nature and landscape, although there are always one or two buildings as well. These are very much open to their surroundings, as if the landscape was entering the house and the house was sometimes no more than a simple set, designed to reveal the stilled interiority of a few women and the one or two men who also appear. Stiff like waxworks, their postures seem to express a state of extreme lassitude with regard to some event, itself also suspended. Everything suggests a state of expectancy, waiting for some intervention: the van door has been left open, the terrace door is ajar, the sliding doors are back, the garage door, as well, is open. Everything is codified: the characters, most of them half-undressed, are shown either indoors in close shots or outdoors at a greater distance. There is only one exception, The Shed, in which interior and exterior almost merge, as if the neat perspective of well-constructed images was dissolving here, between the almost opaque windows of a cabin and the almost tangible clamminess of the air, against a background of trees. Between the two, standing on an unkempt lawn, a young woman fills the space framed by the doorway, her face a picture of despair faced with the shapeless heap of scrub that has stained her hands. The image is strikingly real, the poverty much more than an appearance. We are in Beckett, a small rural town in Massachusetts, where Crewdson came to recharge his batteries and refresh his inspiration: “I found myself overcome with a new feeling: I became aware that the darkness around me was lifting. I felt connected to myself again, felt a desire to make pictures, in a way that felt old and new at the same time. It was a revelation, a rebirth.”
Translation, C. Penwarden