EulalieSainte-Sainte-Eulalie
VOUS ÊTES confortablement assis dans une calèche, avec douze autres curieux. Vous appréciez le paysage vallonné de la Margeride, région du Massif central. Au détour d’un chemin, le cheval de trait s’arrête, les roues crissent sur le sol, les visages se tournent vers une prairie verdoyante. Surprise ! Vous êtes nez à nez avec un mastodonte. Il vous toise d’un oeil doux, bonhomme et impressionnant sous son épais pelage brun foncé. Une tonne, deux mètres au garrot et des cornes bien aiguisées. Non, ce n’est pas un taureau. Pas plus une vache écossaise. Il s’agit bel et bien d’un Bison bonasus, cousin du Bison bison des grandes plaines d’Amérique, le plus grand mammifère terrestre d’Europe.
« A l’origine, il n’y avait qu’une seule et même espèce. Mais, victimes de la chasse intensive, du braconnage et de l’élevage, les bisons d’Europe ont préféré quitter les plaines pour se réfugier dans les forêts, loin des hommes. Au fil de l’évolution, leur morphologie s’est adaptée à leur environnement : ils ont diminué en taille et se sont affinés », explique Cédric Sueur, chercheur à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien.
Une histoire de quinze mille ans
L’histoire du grand herbivore remonte à loin. Quinze mille ans avant notre ère, l’homme préhistorique connaissait bien le bison, partie intégrante de son quotidien. En témoignent les fresques de la grotte de Lascaux. A la fin du XVIIIe siècle, il avait totalement déserté les forêts françaises.
En 1920, il ne reste plus qu’un seul bison sauvage en Pologne et, en 1923, les scientifiques du pays s’efforcent de sauver l’espèce. Sandrine Serret, responsable de la Réserve des bisons d’Europe, en Lozère, explique que dans les années 1960 « décision est prise d’exporter l’espèce hors de Pologne, pour limiter les risques d’épidémie ». En 1991, « Lech Walesa offre un bison à François Mitterrand. Six mâles et trois femelles arrivent en fait à la réserve, en Lozère », poursuit la spécialiste. Une réintroduction fructueuse, puisque le troupeau s’est agrandi et compte aujourd’hui 37 individus en semi-liberté. « Ils vivent en troupeaux de plus de vingt individus », détaille Cédric Sueur. « Par contre, chez eux, la ségrégation sexuelle est de mise, sauf pendant la saison des amours. Femelles et mâles vivent en décalé, ils n’ont pas les mêmes besoins en nourriture. »