« 25 € c’est mieux, mais ce n’est pas la priorité »
SANTÉ. Alors que le passage de la consultation chez le généraliste de 23 € à 25 € a été acté par la Sécu, les négociations avec les médecins sur cette hausse sont difficiles. Témoignages.
ELLE AVALE en vitesse une salade toute faite. Il est 13 h 45, Vanessa Forcané, jeune médecin généraliste, n’a pas encore pu déjeuner, elle revient d’une maison de retraite où elle a dû hospitaliser une personne âgée déshydratée. A 15 heures, les consultations à son cabinet démarrent.
Alors que les médecins libéraux et l’Assurance maladie sont en plein bras de fer sur la nouvelle convention (lire ci-dessous), Vanessa se dit « sceptique » quant à la décision d’augmenter de 2 € la consultation. « 25 €, c’est mieux bien sûr, mais ce n’est pas la priorité. Comme ailleurs, il nous faut une baisse des charges. Je gagne 11 000 € brut. Après avoir enlevé les charges, les impôts, la redevance au cabinet, il me reste 40 %, environ 4 000 €… » souffle Vanessa.
La jeune femme de 35 ans est installée à Bury, village de l’Oise, depuis six mois après six ans de remplacements en Picardie. Elle est sur le pont de 9 heures à 20 heures, parfois jusqu’à 21 heures. En moyenne, c’est 25 consultations de vingt minutes par jour, et trois visites sur le temps du déjeuner. Pour en rajouter à la charge de travail, elle a une heure de trajet, matin et soir, préférant vivre à Amiens. « J’aime exercer à la campagne, sourit la grande brune aux cheveux frisés. Je ne sais jamais ce qui m’attend. Il y a une variété de patients et de pathologies, je peux faire de la gynéco, de la pédiatrie, des points de sutures… En revanche, le décor, c’est un peu triste… »
Passé les deux visites rapides, l’horloge de sa voiture indique 15 h 5. Il est en fait 14 h 55. « C’est ma petite technique. Le matin, ça me met un peu la pression donc je me dépêche », plaisante Vanessa. Retour au cabinet, et pas le temps de souffler. Les consultations s’enchaînent. C’est le tour de Tatiana, une patiente plutôt fataliste. « Tout augmente, donc cela ne m’étonne pas que l’on augmente le prix de la consultation… mais je pense que les gens vont finir par s’automédicaliser et faire des réserves de médicaments. C’est la crise dans la région », déplore cette ambulancière de 27 ans qui souffre d’une entorse du genou.
« Les médecins ont fait de longues études. Ils méritent leur salaire »
Dans la salle d’attente, Cyril, en chaussures de sport et jogging bleu marine, est plus compréhensif. « Les médecins ont fait de longues études. Pour ça, ils méritent leur salaire. Ce qui me dérange plus, c’est le manque de généralistes et de spécialistes en Picardie. Ça, c’est terrible », regrette le chauffeur de poids lourd, à l’arrêt depuis janvier. Atteint d’une maladie rare, l’homme de 43 ans doit faire 40 km pour aller voir son médecin, et se rend à Paris, Amiens, ou dans les Yvelines pour rencontrer des spécialistes. Dans le cabinet, ils sont cinq médecins généralistes. D’ici quatre ans, il y aura quatre départs en retraite. Et pour l’instant personne pour les remplacer.
Bury (Oise), hier. Vanessa Forcané, médecin généraliste dans un village, enchaîne jusqu’à 25 consultations par jour, de 9 heures à 20 heures.