L’énigme d’une bascule que personne n’avait vue
ATTENTAT. A Aix-les-Bains en Savoie, personne ne s’était rendu compte de la radicalisation d’Abdel-Malik Petitjean, le second terroriste de Saint-Etienne-du-Rouvray. Ni sa mère, ni les responsables de la mosquée.
ABDEL-MALIK PETITJEAN est une comète noire dont la trajectoire express dans la galaxie djihadiste aura échappé à ses proches. Fiché S fin juin, le jeune homme de 19 ans est mort à peine un mois plus tard, abattu par la police après l’odieux assassinat du père Hamel. Non sans avoir, au préalable, tourné deux vidéos d’allégeance à l’organisation Etat islamique. « Ce n’était pourtant pas une personne avec des idées extrêmes, loin de là », s’étrangle Djamel Tazghat, le président de l’association qui gère la mosquée Salam d’Aix-lesBains (Savoie). Abdel-Malik Petitjean la fréquentait régulièrement depuis son installation dans la ville savoyarde avec sa mère, il y a un an et demi. « On n’a jamais constaté chez lui ni signe de radicalisation, ni changement de comportement. Je ne l’ai jamais entendu proférer des paroles de haine », poursuit le responsable associatif, ébranlé par le passage à l’acte de ce « garçon sociable et respectueux ».
Le second terroriste de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (SeineMaritime) est né à Saint-Dié-desVosges (Vosges) le 14 novembre 1996. Une commune où, si l’on en croit « l’Est républicain », il n’a pas laissé beaucoup de souvenirs. Sa famille s’est ensuite installée à Montluçon (Allier) où il a vécu auprès de ses parents et de ses deux soeurs de 2008 à 2012, ainsi que le rapporte « la Montagne ». C’est lors de ce séjour en Auvergne que ses parents se séparent. Abdel-Malik Petitjean continuait néanmoins à se rendre dans la commune, notamment pour rendre visite à l’une de ses soeurs, placée en garde à vue mercredi pour les besoins de l’enquête. Son dernier passage remonterait au 18 juillet.
Le terroriste a ensuite vécu son adolescence dans les Alpes, à Seynod (Haute-Savoie) puis à Aix-les-Bains, où, scolarisé au lycée Marlioz, il a décroché en 2015 son bac pro commerce. Amateur de jeux vidéo et de films de science-fiction, il effectuait des missions d’intérim depuis son d i p l ô me. De d é c e mbre 2 0 1 5 à avril 2016, il travaillait notamment le week-end à l’aéroport de ChambérySavoie en tant que bagagiste comme renfort pour les vacances d’hiver.
Dans le quartier Franklin où il habitait avec sa mère, les riverains n’avaient pas remarqué chez lui de quelconque dérive religieuse. « Je peux vous assurer qu’il ne causait pas d’histoire », reprend Djamel Tazghat. « Il participait aux repas organisés par la mosquée et, ces derniers temps, il aidait même à l’entretien du lieu en passant l’aspirateur. Sinon on le voyait surtout lors de la prière du vendredi ou pour les fêtes, même s’il n’avait pas assisté à la dernière prière de l’Aïd-el-Fitr le 6 juillet. Son ultime passage à la mosquée date de la mi-juillet », développe le responsable cultuel qui a demandé à l’imam de consacrer son prêche d’aujourd’hui à sensibiliser les jeunes aux dangers de l’intégrisme.
L’exploitation de l’ ordinateur et du téléphone d’Abdel-Malik Petitjean permettra peut-être de déceler d’éventuels signes antérieurs de radicalisation passés inaperçus. Sa propre mère a témoigné de son incrédulité : « Je connais mon gamin, il est gentil, je n’ai pas fait un diable, moi, a-t-elle confié à de nombreux médias. Il ne parlait jamais de Daech. »
Il avait travaillé comme bagagiste à l’aéroport de Chambéry-Savoie durant les dernières vacances d’hiver
Aix-les-Bains (Savoie), hier. Abdel-Malik Petitjean habitait cet immeuble du quartier Franklin avec sa mère depuis un an et demi. Il fréquentait la mosquée Salam, dont les responsables ont expliqué n’avoir décelé aucun signe de radicalisation chez le jeune homme.