Hissez haut à Douarnenez
ARRIVÉS la veille de Pont-Croix, notre camping-car et nous-mêmes avons dormi nez au zef, face à l’océan, dans le camping Trezmalaouen, une sorte de Ferrari des campings qui domine la plage de Kervel. Entre la côte à bâbord, qui mène aux pointes du Raz et du Van, et la griffe de Crozon à tribord, la mer vient là, sereine ou très fâchée, donner des nouvelles de l’éternité.
La plage est son autre grand large. Le sable y est clair et si fin, comme de la farine. Le grand large, justement, avec tous ses ailleurs, a son antichambre tout près, à Douarnenez, en son port-musée. Un trait d’union relie les deux mots comme une vague, et le vent de l’histoire maritime souffle ici dans les voiles. A peine entrés, nous sommes dehors. Dans la marine, c’est logique, l’ailleurs commence par l’exté- rieur. Le ciel joue de la harpe dans les hauts mâts de misaine et d’artimon. Depuis 1992, ce musée municipal, créé en 1970 dans une ancienne conserverie, ne se contente plus d’abriter ses pièces de collection. Il expose aussi sept bateaux amarrés dans le port Rhu, dont trois sont visitables. Les trente autres, entre les murs, sont remarquablement disposés et mis en scène.
De beaux bâtiments pour pêcher la sardine
On apprend des mots et des noms. Il y a ce coracle de 1868, la fameuse « coque de noix », lattes de frêne, nattes d’osier et toile goudronnée, transportable à l’épaule. Ou ce canot de misaine de 1936, construit sur les chantiers de Pont-l’Abbé et qui, lors d’une crise sardinière à la fin du XIXe siècle, remplaçait la chaloupe « trop coûteuse en main-d’oeuvre ». Et puis la « Bleuette », 1933, à l’époque propriété de la Société des petites régates. Sa description ferait une chanson : « L’acajou pour les bordés, l’acacia pour les marbrures, le coton d’Egypte pour la voilure et le spruce (NDLR : une essence canadienne) pour la mâture. »
Deux cent cinquante autres pièces patientent dans les réserves puisque, rappelle Isabelle Ménard, chargée de la médiation de l’établissement, « la mission principale d’un musée, c’est tout de même la conservation ». Justement, c’est dans le bassin à flot qu’elle prend tout son sens et l’équipage qui est à quai — trois charpentiers, un menuisier et quatre mécanos — ne courent sans doute pas les mers, mais sont tous les jours sur le pont. Voici « le Roi Gradlon » à l’armure noire, rouge et jaune. Ses couleurs sont si lustrées qu’elles ont l’air sonores. Et « l’Anna-Rosa », une galéasse norvégienne. Elle venait de Bergen en Bretagne livrer la rogue, ces oeufs de morue qui servent d’appât pour pêcher la sardine. Mais ici règne aussi le « Dieu-Protège », qui contribua à convoyer une mer de sable pour la reconstruction de Brest. La pianiste Anne Queffélec fut émue, bien des années plus tard, de revoir le bâtiment. Elle l’apercevait si souvent passer, dans son enfance, depuis le jardin de sa maison. Quant à son père, le rugueux Henri, auteur d'« Un recteur de l’île de Sein », il décrivait sa fascination pour « la rotondité rabelaisienne du bâtiment » et « le joli vert reinette de sa robe ».
Nous voici à la barre. Miracle, elle tourne comme tournent les vents. Le bateau ne bouge pas mais l’ailleurs ne va jamais si loin que quand il fait du surplace. Le port-musée, place de l’Enfer, 29100 Douarnenez. Musée à quai et bateaux à flot, jusqu’au 31 août : 7 jour sur 7 de 10 heures à 19 heures. Adulte : 7,50 €. Enfant : 4,50 €. Famille : 20 €. Tél. 02.98.92.65.20.
Douarnenez (Finistère). Dans le port-musée, sept majestueux voiliers à hauts mâts sont amarrés.