Sein, un paradis dans la tempête
À HUIT KILOMÈTRES à l’ouest de la pointe du Raz, une fois passé le périlleux raz de sein, convergence de très forts courants dans lequel les pêcheurs professionnels jettent leurs filets, émerge l’île de Sein. Cette roche granitique au paysage aride, d’une modeste superficie de 58 ha, compte à ce jour un peu plus de 90 habitants à l’année pour près de 1 500 l’été — si l’on compte les touristes à la journée. « Ça me rappelle les îles grecques », souffle l’une d’entre eux en mettant pied à terre. A Sein, lorsque la météo se veut clémente, le soleil réveille brutalement le blanc des bâtisses de son petit bourg — où l’on se perd facilement dans ses rues étroites — et pose un calme saisissant qui contraste avec les tempêtes rageant en période hivernale. « L’été, le temps s’arrête. L’hiver, il se dérègle et se déchaîne », soupire une vieille dame à la terrasse d’un café.
Sur l’île lilliputienne, aucun véhicule ne circule, hormis deux ou trois utilitaires, municipaux ou dédiés aux secours. Restent quelques bateaux de pêche et de plaisance et surtout un tout nouveau canot SNSM, qui a coûté près de 1,3 M€. « La mer est souvent capricieuse et peut être dangereuse, glisse Ambroise Menou, premier adjoint de l’île et ancien président de la SNSM de Sein. Cet équipement est essentiel pour nous et fonctionne grâce à l’aide de quelque trente volontaires. » Pour se repérer, trois phares et deux tourelles bordent l’île et ses alentours.
Ambroise Menou est aussi l’ancien médecin de l’île. « Celle qui prend ma suite est arrivée il y a un mois. On fonctionne avec un remplaçant du continent lors de nos congés. En treize ans et neuf mois en poste sur l’île, les habitants n’auront vécu que 2 h 15 sans présence médicale — à cause d’un problème de bateau. »
Compagnon de la Libération
Sur Sein, le caractère est fort. « Ici, on est fier », glisse avec un sourire Didier-Marie Le Bihan, artiste peintre originaire du coin. « C’est la plus petite commune insulaire de France et la plus médaillée, par-dessus le marché ! » La plus célèbre récompense sénane reste à ce jour celle portée par le « Corbeau des mers ». Ce bateau, emblématique de la Résistance, comptait à son bord une vingtaine de marins sénans ayant répondu à l’appel du général de Gaulle en juin 1940. Ces derniers ont rejoint l’Angleterre sur ce tout petit caseyeur de 14 m. « C’est la commune qui fut récompensée », note DidierMarie. C’est ainsi qu’elle est, en 1946, Compagnon de la Libération. Une anecdote gravée à tout jamais dans la chaussée de Sein.
Île de Sein (Finistère), mardi. A Sein, le plus grand calme règne souvent l’été. En hiver, en revanche, la mer se déchaîne fréquemment.