La sale guerre des enfants soldats
De plus en plus de mineurs, garçons ou filles, parfois très jeunes, sont utilisés par Daech mais aussi dans les rangs kurdes ou chez les rebelles. Conséquence terrible de conflits qui s’éternisent.
LE RECRUTEMENT des enfants soldats n’est pas un phénomène nouveau en Irak et en Syrie. Mais il est en train de prendre une ampleur alarmante alors que la guerre est encore loin d’être terminée. « Presque tous les camps y ont recours sans état d’âme, explique une source militaire. Il suffit de regarder les nombreuses vidéos qui circulent sur Internet pour s’en rendre compte. On voit de plus en plus de jeunes garçons habillés en treillis, une arme à la main, parfois même des filles. »
Pour le groupe Etat islamique, en recul sur tous les fronts, il s’agit presque d’une question de survie. Dans le « califat », certains adolescents sont enrôlés de force et servent de chair à canon pour remplacer les adultes morts sur le champ de bataille (45 000 tués ces deux dernières années selon les militaires américains). Dans son projet idéologique, Daech réserve une place toute particulière à ses jeunes pousses, histoire de les endoctriner et d’en faire des machines à tuer. Une brigade spéciale a été baptisée « les lionceaux du califat », avec des missions multiples. Certains apprentis djihadistes apprennent à se servir d’un fusil d’assaut, d’autres à poser des mines, décapiter des otages ou même se faire exploser au milieu d’une foule.
Tandis qu’une étude récente estime à 31 000 le nombre de femmes djihadistes enceintes dans les régions tenues par le groupe Etat islamique, la branche communication de l’EI ne cesse de mettre les enfants en scène. Une façon de mon- trer à ses adversaires que la relève est prête et qu’elle peut être toute aussi féroce que la précédente. Côté français, les services de renseignements occidentaux ont repéré une petite dizaine de mineurs actuellement engagés sur la ligne de front sous la bannière de Daech (et une cinquantaine de Britanniques).
Mais l’utilisation des enfants soldats n’est pas l’apanage des miliciens au drapeau noir. Souvent citées en exemple, les troupes kurdes s yri ennes ( YPG) et i r akiennes (peshmergas) enrôlent sans sourciller des adolescents (garçons ou filles), parfois même en faisant pression sur leurs parents. La plupart du temps, toutefois, ces jeunes recrues ne combattent pas directement mais sont cantonnées à des tâches subalternes à l’arrière du front.
« Un fils engagé dans une armée ou une milice peut être un motif de fierté »
Du côté des rebelles syriens, même c onstat . On a vu f i n a oût un très jeune garçon appartenant à la Légion du Sham (anti régime) filmé un fusil à la main lors de la bataille de Djarabulus, près de la frontière turque.
« Il faut comprendre que la guerre en Irak dure depuis dix ans et la guerre en Syrie depuis plus de cinq ans. La société s’est militarisée. Les repères ont sauté. Pour certaines familles, avoir un fils engagé dans une armée ou une milice qui libère sa ville, son village peut être un motif de fierté », décrypte Donatella Rovera, responsable des situations de crise à Amnesty International. @fgerschel
De haut en bas et de gauche à droite : des « lionceaux du califat » en Irak, des rebelles du groupe la Légion du Sham en Syrie et un jeune Kurde membre des Unités de protection du peuple (YPG), là encore en Syrie.