Ultra-e Nduros
Présenté en fin d’année (voir le numéro 130 de Bike), le nouveau Rallon pourrait bien s’affirmer comme la prochaine référence enduro de la nouvelle génération des 27,5 pouces, surtout dans cette version très haut de gamme. Totalement remodelé, mais en s’inspirant des lignes de l’ancien X30 (voir alors le numéro 111 de Bike) , il se distingue déjà car le Slash conserve, lui, un aspect identique à l’ancien 26 pouces, mais avec une géométrie adaptée. Le passage en 27,5 permet donc d’optimiser ces vélos vers une géométrie plus sportive pour profiter au maximum du bienfait des roues de 27,5. À savoir principalement plus d’empattement et plus d’angle à l’avant, sans pour autant rallonger les bases arrière, afin de concevoir des bikes plus stables et plus rapides, sans perdre en dynamisme. Mais on notera tout de même qu’à l’inverse du Trek, qui s’est “adapté” au 27,5 pouces, l’Orbea est un nouveau vélo, pensé spécifiquement pour ce nouveau standard, notamment au niveau du point de pivot principal.
Statique Ex. Orbea et Trek
Le Slash nous attire avec son coloris en noir et fluo, mais ce n’est qu’une question de goûts et de couleurs, car si le Rallon se la joue plus sage, il est aussi disponible en jaune. Pas d’avantage décisif, mais un constat d’ensemble en statique, nos deux protagonistes disposent de cadres hydroformés, avec des sloping prononcés, mais un tube supérieur “cassé” sur le Rallon – sa marque de fabrique. Colonne de direction Tapered, fixation de frein Postmount, dérailleur avant Directmount et axe de roue en 142 x 12 mm, nos lascars se la jouent à égalité. Le Slash se différencie juste par un boîtier de pédalier de type Press-Fit. Mais la similitude va beaucoup plus loin, puisque, à l’instar du BH Lynx, opposé au Slash l’an dernier ( voir Bike 124), le nouveau Rallon adopte également une cinématique de suspension à pivot concentrique sur l’axe de roue arrière. Au niveau des composants, inutile de chercher l’avantage tant le matos claque, même avec des choix différents. On retrouve sur les deux un bel ensemble au poste de pilotage, avec petite potence et large guidon en carbone, la fort logique tige de selle télescopique RockShox Stealth à commande interne (mais avec une Durit beaucoup trop longue sur le Trek !) et un pédalier à manivelle carbone. Mais quand Orbea adopte un ensemble double plateau et sans antidéraillement (!), Trek prend l’option du 1 x 11 de Sram, qui ne nécessite aucun guide-chaîne. Pour renverser la balance, les Espagnols proposent le nouvel ensemble de roues Mavic Crossmax, avec pneus et jantes, alors que les Américains ne nous offrent “que” leurs produits maison, Bontrager Rhythm et XR4. Avid et Formula ne créent pas d’avantage au niveau du freinage, même si le Rallon ne dispose que d’un disque de 180 mm à l’avant. Reste la grosse différence, tout du moins sur le plan de l’originalité, au niveau des suspensions, puisque le X-Team est équipé d’éléments Bos, face aux plus classiques Fox du Slash.
En action 1. Orbea 2. Trek
Super bien cotés, avec des tubes supérieurs longs et des cadres bien sloping, nos vélos sont idéalement taillés pour l’enduro, avec des postes de pilotage de qualité, courts et larges, même si le Slash dispose d’un guidon très plat, proche de celui d’un DH. Potence de 50 et guidon de 760 mm face à 60 et 740 mm sur le Slash, l’Orbea dévoile son instinct de compétiteur. Mais ce ne sont pas ses 2 x 10 mm qui dérangent le Trek. Et si, une fois le SAG et la
Face au Slash super “smooth”, le Rallon dégaine et se la joue tueur de
chronomètre.
détente réglés sur ce dernier, il est paré à faire feu, c’est une autre histoire sur le Rallon avec ses suspensions Bos réglables en compression, hautes et basses vitesses. Un atout maître pour ceux qui décident de passer le cap de l’enduro en compétition. Malheureusement, les molettes de l’amortisseur sont quasiment impossibles à manipuler à la main ! Ce qui n’empêche pas le Rallon d’envoyer le bouzin au roulage, avec un comportement très dynamique, aidé par un pneu arrière parfaitement roulant. En face, le Slash, en dépit de ses 700 grammes de moins, se montre un peu plus pataud et il faudra jouer du levier CTD des suspensions pour conserver de la fermeté au pédalage. N’allez pas croire qu’il pompe outrageusement, sauf que face au Rallon, un peu plus ferme, la sentence est directe. Logiquement, le Trek se montre plus confortable, mais aussi un peu plus fun, avec une faculté à cabrer plus facilement. Et puis, il faut bien avouer que nous apprécions sa transmission 1 x 11 vitesses, précise, silencieuse et fiable. Au niveau maniabilité, et malgré un empattement plus long du Slash, nos deux
vélos se tiennent et jamais nous n’avons été handicapés pour tourner très court. Avant d’attaquer les hautes vitesses, une modification des géométries s’impose. Et alors qu’il faut tenir l’amorto sur le Rallon, et dévisser les écrous dans le sens inverse sur le Slash, dans les deux cas, il s’agit ensuite d’inverser les pièces nécessaires. Aussitôt fait, l’Orbea s’ouvre à 66° et le Trek à 65, alors que les boîtiers s’abaissent à respectivement à 340 et 350 mm. C’est largement suffisant pour transformer ces pur-sang en bêtes de course. Un peu comme si ni l’un ni l’autre ne voulaient lâcher le morceau et sortaient de leur botte un contre-argument. Et si le commun des mortels aura plus de difficultés à ressentir le changement de comportement, les pilotes aguerris auront tout le loisir de modifier les géométries, en plus d’intervenir sur les réglages de suspension afin de bénéficier au maximum de ces châssis parfaits, en quête de chrono. Dans cette configuration, 10 mm plus bas, le Rallon s’affirme un petit ton au-dessus du Slash, toujours grâce à son dynamisme qui lui permet des sorties de virage plus rapides et des relances de sprinteurs belges. Le Trek ne reste pas à la traîne,mais il conserve tout de même son comportement plus smooth, avec une nette tendance au plaisir pur. Sa cinématique Full-Floater et son amortisseur Fox équipé du système DRCV ( pour Dual Rate Control Valve) à double chambre permettent au Slash de s’attaquer à du minifreeride, tant l’amortisseur encaisse très haut dans le débattement, donc sur les grosses réceptions, tout en restant sensible sur les petits chocs. En face, on aboutit au même constat sur le Rallon, avec une cinématique encore plus dynamique au pédalage et une courbe d’enfoncement de la suspension d’abord linéaire avant de devenir progressive lorsque l’on rentre dans le débattement du vélo. En clair, nous avons bien affaire à des bikes d’exception, qui se démarquent l’un par son confort et sa polyvalence ; l’autre par son instinct « racing ».
Verdict 1. Orbea 2.Trek
Attention, si le Rallon gagne, ce n’est que d’une courte tête. Ces vélos sont exceptionnels. Et s’ils étaient notés sur 20, ils décrocheraient 19 et 18, autant dire carton plein ! Mais sur ce marché (très) haut de gamme, nous avons pris en compte l’énorme potentiel du Rallon pour la compétition, avec des suspensions réellement évolutives (pour les plus techniciens des pilotes, qui n’auront qu’à adapter le pneu arrière au terrain pour que leur bike joue la gagne). En revanche, il nécessitera une bonne maîtrise des réglages de suspensions, ou un apprentissage intensif afin de les exploiter au summum de leurs capacités. À côté, le Trek s’avère donc nettement plus abordable, ce qui en fait un vélo un peu plus facile à prendre en main, sans risque d’embrouille dans les réglages. Un peu plus confortable et polyvalent, il conviendra alors parfaitement aux riders cherchant le plaisir au guidon sans guetter forcément la performance ultime. Mais à 5 000 euros le morceau, nous avons privilégié la performance ultime des vélos, même si les futurs – et heureux – acquéreurs n’iront pas forcément se mesurer au chrono en coupe de France d’enduro.
Un Rallon parfaitement en ligne pour chercher la victoire et un Slash aérien dans l’éclate, des photos qui résument bien le comportement de chacun de ces vélos, mais attention, l’un comme l’autre sont de véritables armes sur les pistes!