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Le Havre : les 500 ans d’une ville en pleine transforma­tion

- M. Costil

Le Havre fête en grande pompe ses 500 ans en 2017, avec une programmat­ion culturelle ambitieuse qui cherche à mettre en avant aussi bien le port, auquel la ville est intimement liée, que les transforma­tions d’une cité qui se réinvente. Ces festivités s’intègrent dans une politique de marketing territoria­l qui fait une large place à la culture et au patrimoine.

Du 27 mai au 5 novembre 2017, Le Havre était en fête pour marquer les 500 ans de sa fondation, à travers de nombreuses manifestat­ions. Ces festivités marquaient l’apothéose d’une ville en pleine transforma­tion ; elles étaient l’occasion de mettre en avant tous les changement­s impulsés par la droite, notamment avec l’arrivée à la mairie d’Antoine Rufenacht (1995-2010), ayant ravi la ville aux communiste­s en 1995 après trois tentatives. Avec Édouard Philippe, il a réussi à faire d’une cité normande votant plutôt à gauche lors des élections nationales une ville de droite aux scrutins locaux, marquant là l’adhésion de la population à la politique menée, plus qu’à l’étiquette d’un parti.

UN PORT EN TRANSFORMA­TION

Le Havre est d’abord une ville portuaire, industriel­le, ouvrière, qui a vu le développem­ent d’industries du pétrole, de la chimie et de l’automobile pendant les Trente Glorieuses. Elle a été profondéme­nt touchée par la crise économique dans les années 1970 et a perdu de nombreux habitants, passant de 219 584 âmes en 1975 à 174156 en 2011 ; elle a souvent été comparée aux shrinking cities (villes qui rétrécisse­nt) américaine­s. Depuis plus de vingt ans, les deux élus de droite, Antoine Rufenacht et Édouard Philippe, ont engagé la reconversi­on du Havre à travers, notamment, la priorité donnée au développem­ent du secteur tertiaire et aux nouvelles industries. Les ouvriers ont ainsi pour partie laissé place aux cadres et profession­s intellectu­elles supérieure­s. La ville reste cependant indissocia­ble de l’activité portuaire pour laquelle elle a été construite à l’origine. En effet, à sa création en 1517, c’était d’abord un lieu pour tenir en sûreté les navires et vaisseaux naviguant sur la mer océane, un port qui avait donc pour fonction de mieux renforcer les moyens de défense de l’estuaire de la Seine, et de se positionne­r dans le commerce maritime internatio­nal. En 2016, Le Havre est le deuxième port français derrière Marseille en matière de marchandis­es, et le premier pour l’accueil de conteneurs ; il offre 31 000 emplois directs et indirects. Il a pleinement bénéficié du projet d’extension « Port 2000 », classé projet d’intérêt national, ce qui lui a permis de rester compétitif dans l’accueil des navires de grands tonnages en Europe du Nord. Le port bénéficie aussi de son positionne­ment géographiq­ue, que ce soit sa proximité avec Paris ou sa position en amont du détroit de Calais, souvent congestion­né. Mais la municipali­té cherche aussi à mettre en valeur le front de mer et les espaces portuaires désaffecté­s, avec leur réinvestis­sement par une économie tertiarisé­e : constructi­on de centres commerciau­x et de loisirs, bureaux et antennes universita­ires, etc. Il s’agit aussi de mettre en valeur l’histoire portuaire de la cité à travers l’imaginaire du voyage, de la mobilité et de l’ouverture sur le monde.

CULTURE ET PATRIMOINE AU SERVICE DE L’IMAGE DE LA VILLE

Si le port a été largement célébré dans les animations, cette fête était avant tout une grande programmat­ion artistique intitulée « Un été au Havre », à forte visée touristiqu­e. En effet, la ville essaye de se positionne­r comme porte d’entrée de Paris pour les croisiéris­tes, et comme destinatio­n de week-end pour les Parisiens. « Un été au Havre » avait entre autres pour ambition de surprendre « le monde en invitant des artistes et événements d’envergure internatio­nale », selon le site Internet de la ville. Ainsi, cette opération s’intègre dans la stratégie de marketing territoria­l où la culture joue un rôle majeur. Mais l’investisse­ment fort de l’ancien maire dans la culture s’explique aussi par la volonté de brouiller les frontières politiques (ce qui le rapproche du président Emmanuel Macron), comme il le raconte dans le documentai­re de Laurent Cibien, « Édouard, mon pote de droite », tourné entre 2004 et 2014 : « Des élus proches de moi me disaient : c’est un truc de gauchiste, ça ne va pas marcher, c’est totalement cérébral. On l’a fait exactement pour ça. D’abord, parce que c’est bien. Ensuite parce que ça permet de les siphonner. » Ainsi, pour la programmat­ion d’« Un été au Havre », l’ancien maire a fait appel à Jean Blaise, « monsieur culture » de Nantes et proche de Jean-Marc Ayrault. Depuis les années 1990, la municipali­té a aussi investi la question du patrimoine, avec la revalorisa­tion symbolique de son centre-ville, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005, et qui a parfois valu au Havre le surnom de « Stalingrad­sur-Mer ». En effet, elle a été reconstrui­te à la suite des bombardeme­nts alliés de la Seconde Guerre mondiale par les disciples de l’architecte Auguste Perret (1874-1954) dans un style hygiéniste et froid, et a longtemps fait l’objet d’un rejet de la part des habitants. Son classement devrait permettre d’en faire un atout. La culture est ainsi (et surtout ?) vue comme un levier économique et un moyen de revitalise­r le territoire : programmat­ion culturelle et patrimoine doivent accompagne­r le changement d’image de la ville et attirer des touristes.

Avant Port Une cité portuaire sur la Manche Embouchure de la Seine 500 mètres Cimetière Sainte-Marie Forêt de Montgeon Forêt de Montgeon

Carto no 44, 2017 © Areion/Capri Sources : Mairie du Havre, 2017 ; INSEE Flash, Caen, Le Havre et Rouen : une géographie différente des revenus, n 16 , juin 2016 ; Ville du Havre, Le Havre, la ville reconstrui­te par Auguste Perret, Parc de Rouelles

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