Cheval Magazine

Race: L’asturcon.

- TEXTE : MARIE SÉNÉCHAL.

Originaire des Asturies, une communauté autonome du nord-ouest de l’Espagne, la majorité du cheptel de l’asturcon vit toujours dans cette région. En France, son unique représenta­nt se nomme Nord Fjord. Surnommé « Macho », ce dernier vit au Haras national d’Hennebont en Bretagne. Rencontre avec un specimen rare.

Macho, de son vrai nom Nord Fjord, est arrivé au Haras d’Hennebont il y a maintenant sept ans, à l’occasion du Festival intercelti­que de Lorient. Ce festival a lieu tous les ans depuis 1971 et met chaque année une région à l’honneur. L’édition 2013 – comme celle de 1998 – était consacrée à la région espagnole des Asturies, l’occasion de présenter l’asturcon en France. Six étalons ont défilé aux côtés de traits bretons. Pour remercier le Haras d’Hennebont d’avoir hébergé les chevaux, l’associatio­n des éleveurs de chevaux de race asturcon (ACPRA), lui a offert l’un des étalons, Macho. Né dans les Asturies en 2007, le poney déménage en Bretagne à l’âge de 6 ans. « Il a changé de vie à ce moment-là, explique Gwenegan Caouissin, guide animateur au Haras, il vivait auparavant en semi-liberté dans les Asturies. » Marion Le Forestier, chargée de son travail au Haras, l’initie au travail à pied et aux longues rênes. « Il a un rôle d’animation au Haras », explique le guide animateur. Il n’est pas monté car personne au Haras n’est suffisamme­nt petit pour lui, il mesure seulement 1 mètre 15. Il faut aussi être relativeme­nt aguerri pour monter l’asturcon. « Il est très bien dans sa tête mais ça reste un petit cheval assez vif ». Gwenegan Caouissin le compare au welsh (voir notre numéro d’octobre, CM 585). Ses connaissan­ces sur l’asturcon, le guide les doit à un certain nombre de recherches après l’arrivée de Macho. « Je ne connaissai­s pas cette race avant qu’il n’arrive, confiet-il, et nous sommes nombreux dans ce cas au Haras ». Le rôle de Macho c’est donc aussi de faire découvrir la race en France. « Les gens sont parfois étonnés quand je leur raconte que c’était un cheval de guerre dans l’Antiquité », raconte le guide animateur. Et c’est justement sa petite taille qui en faisait un atout pour les soldats. « Il permettait aux cavaliers de se cacher et d’atteindre les parties vitales des chevaux des adversaire­s ». Macho ne maîtrise pas cette allure mais l’amble était aussi un atout de l’asturcon pour les soldats. Lisardo Lombardia, directeur général du Festival intercelti­que de Lorient, et lui-même asturien, raconte que cette marche amblée permettait de « ne pas gêner les chevaliers ».

Des champs de bataille aux centres équestres

Après avoir servi à la guerre, le petit poney est utilisé dans les mines. Encore une fois, sa taille le sert. Aujourd’hui, il est un maître d’école pour jeunes cavaliers dans les Asturies et est relativeme­nt polyvalent. Utilisé dans les centres équestres, c’est la monture la plus courante

pour les enfants. Miguel Angel Fernandez Garcia, président de l’ACPRA, estime que le poney « est idéal pour l’instructio­n de l’équitation aux enfants. Il a un caractère très sociable et docile qui facilite l’apprentiss­age des bases. » L’ACPRA précise par ailleurs que « l’habitat naturel de l’asturcon est constitué de chaînes de montagnes escarpées, peu fertiles et exposées à des conditions météorolog­iques très difficiles. » Résultat, c’est un poney rustique et robuste dont les besoins nutritionn­els ne sont pas très importants et, de fait, très résistant aux maladies. Si une partie du cheptel asturien continue de vivre en semi-liberté, le poney se développe dans des élevages qui sélectionn­ent et permettent le développem­ent de « meilleurs spécimens. » Miguel Angel Fernandez Garcia est aussi éleveur d’asturcons depuis 1993. « Je suis l’un des plus anciens éleveurs à être encore actif », précise-t-il. Il possède seize poneys et en fait naître environ sept chaque année. Macho est né chez lui. Sa mère, Lleenda de El Corru, est « sûrement la jument la plus récompensé­e de la race », souligne l’éleveur asturien. Le naisseur de Macho ajoute que le poney a un « caractère magnifique » et que pendant le défilé à Lorient « il y avait du bruit, plein de nouveaux objets mais il est resté très calme. » Avec Antón Alvarez Sevilla, président de l’ACPRA en 2013, et en collaborat­ion avec Lisardo Lombardia, Miguel Angel Fernandez Garcia a l’idée de laisser un poney au Haras. « Nous avons pensé que c’était un très bon endroit pour faire connaître notre race et nous avons donc choisi le meilleur poney que nous avions à ce moment-là, Macho, même si ça voulait dire qu’on se privait d’un bon étalon », explique l’éleveur avant d’ajouter : « diffuser la race plutôt que de faire de l’argent. »

Si Macho fait aujourd’hui un peu de spectacle, ce n’est pas pour cela qu’il avait été élevé initialeme­nt,

« L’ACPRA en parle comme d’un des poneys les plus anciens et purs au monde. »

car Miguel Angel Fernandez Garcia a axé son élevage, El Corru, sur l’attelage. « L’attelage est une bonne option pour les poneys en général, ils sont petits et les enfants grandissen­t, ça leur donne une opportunit­é de rester dans la famille et d’être attelé ». Il ajoute que l’asturcon, bien que petit, est doté d’une grande force, de beaucoup de courage et de résistance. « Des qualités qui le rendent idéal pour l’attelage. »

Une race menacée mais protégée

La race, présente au moins depuis l’Antiquité, ressemble toujours aujourd’hui aux individus d’origine. L’ACPRA en parle comme l’un des « poneys les plus anciens et purs au monde ». La majorité du cheptel réside dans les Asturies. La population est estimée à 2 500 individus, ce qui place la race en situation de danger. Le nombre de poneys asturcon diminue dès le XXe siècle pendant la première guerre civile durant laquelle les croisement­s étaient faits pour obtenir des animaux plus gros et plus grands. S’ajoute la fin de la traction animale qui lui fait perdre une de ses utilités premières. À la fin des années 1970, la race se trouve dans une situation critique. Les Asturiens commencent à se mobiliser pour la sauver. Lisardo Lombardia évoque Antón Alvarez Sevilla qui s’est beaucoup impliqué pour ses chevaux et lui a consacré un ouvrage : Le poney asturcon. En 1979, l’associatio­n pour la conservati­on de l’asturcon des Sueves (ACAS), un massif montagneux de la cordillère Cantabriqu­e, est créée avec l’objectif de repeupler les Asturies de son poney. En 1981, l’associatio­n régionale des éleveurs de chevaux de race asturcon est créée et prend une dimension nationale six ans plus tard pour devenir l’associatio­n actuelle, l’ACPRA. « Aujourd’hui, l’associatio­n est en charge de contrôler la pureté de la race, son livre généalogiq­ue, le marquage des poulains nés chaque année et la délivrance des documents officiels des poneys, elle organise des concours modèles et allures et est en charge de la promotion de la race », détaille son président Miguel Angel Fernandez Garcia.

« Monument historique vivant »

La race est décrite comme essentiell­e au développem­ent de la région. Lisardo Lombardia donne l’exemple de la caisse d’épargne des Asturies, Cajastur, dont le symbole est le petit poney. Devant le bâtiment, quatre statues en bronze le représente­nt. L’asturcon est d’ailleurs « pratiqueme­nt le seul cheval des Asturies », avance l’ACPRA. Et pour cause, le poney « appartient à la culture celtique, c’est un totem pour les Asturiens depuis toujours », affirme Lisardo Lombardia. Pour lui, « tous les Asturiens connaissen­t ce poney. » « Pas forcément dans le détail », précise Miguel Angel Fernandez Garcia, mais le président de l’ACPRA assure que « l’asturcon est profondéme­nt enraciné dans le peuple asturien et fait partie du patrimoine culturel . »

Chaque année, la deuxième semaine d’août, une fête touristiqu­e est organisée à son effigie dans un paysage montagneux, la Sierra del Sueve. Cette fête a pour objectif d’informer sur la race et montrer comment les éleveurs et les Asturiens sont parvenus à la sauver et à la former à de multiples discipline­s. « Tout le monde l’aime, précise encore Lisardo Lombardia, il est facile à dompter, beau comme tout, sensible. L’asturcon c’est l’énergie, la fidélité, la beauté. »

En plus des démonstrat­ions et présentati­ons du poney, la fête se déroule en musique et est complèteme­nt asturienne. Une culture que l’asturcon incarne à 100 %, à tel point que Lisardo Lombardia le décrit comme un « monument historique vivant ». Mais « c’est l’Asturien convaincu et passionné qui parle », nuance-t-il en souriant. En tous cas, il n’exclut pas de consacrer à nouveau une édition de son festival lorientais aux Asturies et donc à l’asturcon. L’occasion peut-être pour Macho de retrouver les siens le temps de quelques jours.

« Le poney appartient à la culture celtique, c’est un totem pour les Asturiens depuis toujours. »

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 ??  ?? TAILLE | L’asturcon mesure 1,25 m en moyenne, en fonction des élevages. Macho mesure 115 cm.
ROBE | Il ne doit avoir aucune trace de blanc. Souvent bai ou noir. BERCEAU | Il vient des Asturies, une communauté autonome au nord-ouest de l’Espagne.
MORPHOLOGI­E | Tête courte et carrée, grands naseaux, encolure puissance, crinière très fournie, dos droit et fort, pieds particuliè­rement solides.
CARACTÈRE | Conciliant, excellent tempéramen­t avec du sang. CHEPTEL | Il est estimé à 2 500 individus.
TAILLE | L’asturcon mesure 1,25 m en moyenne, en fonction des élevages. Macho mesure 115 cm. ROBE | Il ne doit avoir aucune trace de blanc. Souvent bai ou noir. BERCEAU | Il vient des Asturies, une communauté autonome au nord-ouest de l’Espagne. MORPHOLOGI­E | Tête courte et carrée, grands naseaux, encolure puissance, crinière très fournie, dos droit et fort, pieds particuliè­rement solides. CARACTÈRE | Conciliant, excellent tempéramen­t avec du sang. CHEPTEL | Il est estimé à 2 500 individus.
 ??  ?? Petit mais espiègle, Macho a un caractère bien trempé !
Petit mais espiègle, Macho a un caractère bien trempé !
 ??  ?? La majorité du cheptel réside dans son berceau d’origine, elle est estimée à 2 500 chevaux.
La majorité du cheptel réside dans son berceau d’origine, elle est estimée à 2 500 chevaux.
 ??  ?? Petit par la taille, l’asturcon demeure néanmoins l’un des plus grands symboles des Asturies.
Petit par la taille, l’asturcon demeure néanmoins l’un des plus grands symboles des Asturies.
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