Canal+ : « Main basse sur la savane »
Comme annoncé dès le n° 472 d’août (page 24), après huit mois d’enquête dans le milieu très controversé de la chasse en enclos, entre Rsa et Texas, la journaliste d’investigation Olivia Mokiejewski a décortiqué, à travers un documentaire intitulé « Main basse sur la savane » diffusé en septembre dernier sur Canal+, un business pas toujours reluisant. Analyse… Petit matin pluvieux en Afrique du Sud, une équipe de chasseurs toulousains et leurs guides quittent leur hébergement puis passent par le stand de tir avant de rejoindre un enclos où doit se dérouler une chasse au lion. Dans les secondes qui suivent, le téléspectateur voit les hommes descendre de voiture. Le grand chat a été repéré. La caméra montre un interminable grillage puis s’enchaînent de courtes séquences jusqu’au tir de l’animal dans un fourré, pratiquement au pied de l’infranchissable clôture. Les commentaires expliquent que la traque a duré trente minutes. S’ensuibent des images de présentation de trophées diverses, une hyène brune, un impala, un léopard, un buffle ridiculement jeune que l’on charge dans le godet d’un bulldozer. Le décor est planté. Durant une heure et quart, Olivia Mokiejewski s’attache ainsi à montrer les rouages d’une certaine industrie de la chasse en Rsa et au Texas. Organisateurs, guides, clients, fermiers éleveurs de gibier (herbivores et félins), vente aux enchères d’animaux sur pieds, visites de parc d’élevage, manipulations génétiques, culture des grands trophées, ateliers de taxidermistes, assemblée et salon du Dallas Safari Club, collectionneurs de trophées, tout y passe. Parmi les intervenants, beaucoup de Sud-Africains et d’Étasuniens évidemment, mais aussi des Européens, parmi lesquels un opérateur et deux guides français. Reportage à charge diront les uns. C’est la tentation immédiate au sortir du visionnage. Puis, avec un peu de recul, l’on s’aperçoit que la vérité est là ou pas très loin. Le reportage est plutôt bien fait. Il montre des dérives. Cependant, il ne faut pas faire de celles-ci une généralité, loin s’en faut. Une même tentative de documentaire partout ailleurs sur le continent noir, là où les territoires sont vastes et ouverts, où la prospérité de la faune sauvage ne doit rien à l’élevage intensif, à sélection génétique, ni aux hormones de croissance, mais à la sagesse des compagnies de chasse qui gèrent les cheptels sauvages en partenariat avec les gouvernements, n’aurait bien évidemment eu aucun intérêt auprès du grand public, car pas sensationnel. Force est aussi d’admettre que la politique de l’Afrique du Sud en matière de conservation animale a permis la sauvegarde de plusieurs espèces, le rhinocéros en tête. En Afrique et ailleurs, la chasse sans excès ni dérives existe. Les activités cynégétiques dites « sportives » participent même très activement à la protection de la faune sauvage. Les territoires abritant la grande faune, le plus souvent implantés aux abords directs des réserves nationales, servent de zones tampons. Leurs amodiataires assurent à leurs frais, à la place des gouvernements, la plupart du temps sans finances, l’essentiel de la lutte anti-braconnage. L’argent de la location du foncier comme celui des safaris contribue, de surcroît, à faire vivre des milliers de foyers grâce aux très nombreux emplois qu’il génère et à la redistribution quasi-intégrale de la viande de brousse. Ceci n’est pas le cas dans une très large partie de l’Afrique du Sud, ni au Texas, car les domaines chassables sont privés et la faune « sauvage » qui s’y trouve appartient aux propriétaires fonciers. Ceci semble assez logique. Olivia Mokiejewski est une spécialiste de ces sujets chocs sur fond de protection de