Cosmopolitan (France)

... les crêpes

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Un peu comme avec un vieux doudou, on essaie de résister mais on les aime trop.

Par Mathilde Effosse

fin janvier, quand certains pensent aux bonnes résolution­s qu’ils ont réussi à tenir, je pense à celle que je vais bientôt abandonner. Parce que pour moi, fin janvier, c’est surtout début février et début février, c’est surtout la chandeleur. Je pense pâte, je pense beurre, sucre et je me vois faire virevolter ma belle crêpe, pendant qu’elle reluque sans pitié mes hanches et mes fesses depuis sa folle acrobatie.

De la première crêpe...

Puisqu’on est entre nous, j’avoue : ma pâte, je la fais au pif. Que celle à qui ça n’est jamais arrivé me lance la première spatule. Après, je la laisse reposer : une heure selon la police du goût, trois minutes maxi d’après la manifestan­te. Quand elle est bien lisse, je me sens un peu comme la cow-girl du phare ouest : prête à dégainer la poêle. La première crêpe est là, elle me guette depuis son petit bol de pâte, elle m’appelle, elle me fait frissonner d’avance… J’étale la pâte, ça commence à prendre, c’est beau, je suis un génie. Et au moment de la retourner, c’est le drame : mon oeuvre d’art a attaché. Impossible de mettre ma crêpe sur le ventre, elle se déchire de partout. Avant ça déclenchai­t le réflexe le plus débile du monde : j’ajoutais de l’eau, du lait ou de l’huile (parfois les trois) jusqu’à ce que ma pâte devienne un truc immonde et beaucoup trop liquide et que je m’aperçoive que je n’avais plus de farine. Maintenant non. J’ai grandi, j’ai accepté. Je sais qu’il s’agit du syndrome de la première crêpe. Cette oeuvre finit toujours trouée, pleine de cloques et d’imperfecti­ons, elle ressemble à Quasimodo un lendemain de soirée. Si je l’ai longtemps vue comme une malédictio­n, finalement je me suis attachée à cette crêpounett­e malformée. Et puis celles qui suivent s’améliorent, se bonifient.

... à la crêpe prodige

Je me suis toujours dit qu’une crêpe, c’était un peu comme un mec. Chacune est unique, mais laquelle est le Mr Big ? Il y a la fine, légère et voluptueus­e ; la plus épaisse, moelleuse et rassurante ; celle avec les cratères légèrement cramés qui lui donnent un air torturé et craquant… En revanche, attention à la prise de confiance. Moi, quand ma fournée commence à bien marcher, j’ai tendance à me sentir pousser des ailes. D’un coup, je me transforme en crêpaïolo. Il y a toujours la crêpe Icare, la casse-cou de la bande qui vient faire son show et finit les quatre « pâtes » en l’air dans un endroit improbable de ma cuisine – en général, ça tombe sur la crêpe prodige, celle qui avait le plus grand potentiel, la plus sexy de toutes, paf, vautrée.

Le swing de la chandeleur

La chandeleur, c’est aussi l’occasion parfaite de réunir ceux qu’on aime autour de nouvelles saveurs… Si on aime nos classiques, la crêpe au sucre, c’est quand même « so yesterday » ! Il faut tester celle à la compote de pommes, la miel-amande-chocolat blanc ou clémentine-rhubarbe. J’ai une copine qui verse du colorant alimentair­e dans sa pâte : avec des enfants, les crêpes roses ou bleues font toujours leur petit effet – même si j’ai l’impression qu’elle leur sert un filet de licorne. Moi, mon secret, c’est d’ajouter de la fleur d’oranger, de la vanille ou un petit verre de rhum dans ma pâte… Bref, les possibilit­és sont infinies, la preuve, même Sia l’a chanté (je reste persuadée qu’elle dit « chandeleur » et non « chandelier » ) . Alors les filles, pas de remords : la crêpe, c’est un surpasseme­nt de nous-même, une offrande à notre palais et un bon moment garanti avec nos proches. À nos spatules !

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