Cosmopolitan (France)

MA COPINE M’A FAIT UN SALE COUP

Quand on passe tout près du clash, c’est l’occasion de remettre les pendules de l’amitié à l’heure.

- Par Camille Anseaume

Quand on passe tout près du clash, c’est l’occasion de remettre les pendules de l’amitié à l’heure. Par Camille Anseaume.

Elle a piqué mon prénom fétiche

À 6 ans déjà, Flavie et moi, on faisait des listes de nos prénoms préférés. Alors une fois Flavie enceinte, c’est un sujet qui revient souvent… Si c’est une fille, ce sera Suzon, mais pour un petit gars, pas d’évidence pour l’instant. Moi je n’ai ni mec, ni foetus, mais depuis mon année Erasmus à Trévise, je sais – et elle aussi – que mon fils s’appellera Paulo. Ça a failli nous séparer. Le jour J, Romain, son mari, m’annonce par SMS la naissance de leur enfant, mon coeur s’emballe. J’ai envie d’aller embrasser mon amie, de voir la tête de son p’tit gars. Mais je m’accroche quand je découvre en fin de SMS le prénom : Paulo. Je me sens trahie. Évidemment, impossible de lui faire une remarque quand j’arrive le lendemain. Elle a l’air épuisée, Romain s’y prend mal avec le petit. Finalement, retour au calme, en déballant mon cadeau, c’est elle qui brise la glace : « Pour le prénom, je voulais te dire… La veille de l’accoucheme­nt, c’était toujours le seul qui nous plaisait à tous les deux. J’aurais dû te prévenir, c’est vrai. Tu m’en veux pas trop ? » Comment on a recollé les morceaux. Je me sens coincée. Clairement, dans ces circonstan­ces, je ne peux pas la traiter de voleuse de prénom, de pauvre fille sans imaginatio­n. Ses yeux cernés, ses seins douloureux, son envie de pleurer tout le temps… C’est sans doute ce qui nous a sauvées. Je n’ai pas eu d’autre choix que de botter en touche, en lui disant que « pas de souci, je prénommera­i mon fils Gérard ». Elle me cède les droits pour Suzon ! Je prends sur moi, et ravale ce qui me paraît un manque total de respect. Parce que je n’ai pas encore de papa dans ma vie, elle peut se servir d’abord ? On n’en reparle plus. Ça n’a pas brisé notre amitié, mais il y a eu comme un « dossier » entre nous. Jusqu’à l’anniversai­re de Paulo, 1 an. À qui elle dit : « Tu sais grâce à qui tu as ce joli prénom ? » « À Tatine ! » Et là, tout s’éclaire. Maintenant, faire partie de l’histoire de ce bout de chou, ça vaut tous les pardons du monde. Clémentine, 30 ans, chargée de projet

Elle était ivre à mon mariage

La veille de mon mariage, Amélie, ma meilleure amie, fête les 30 ans d’un pote, ce qui sousentend une nuit blanche. Elle me garantit qu’elle sera en super forme, et la dernière couchée à mon mariage. Je sais que ça ne l’empêchera pas de faire

la fête jusqu’au bout de la nuit… Je ne suis pas une grosse fêtarde, elle si. On est amies depuis le jardin d’enfants, et tout nous sépare, sauf qu’on s’adore. Laurent, mon futur mari, n’a jamais compris cette amitié et n’est pas confiant : « Si elle finit mal au mariage, je t’aurai prévenue… » Moi je la défends toujours : Amélie m’émeut. C’est mon double et mon contraire.

Ça a failli nous séparer. À mon mariage, sa façon de rire fort me met mal à l’aise, et je comprends aussitôt : elle n’est pas dans son état normal. Je lui glisse : « Tu as bien récupéré d’hier ? » Et je lui demande de faire gaffe. Elle était chargée d’allumer les bougies juste avant que l’on passe à table. Évidemment, ce n’est pas fait. Je ne la vois presque pas du dîner, elle est tout le temps en train de fumer dehors. Dix minutes après l’ouverture du bal, elle supplie le DJ de mettre « notre » chanson et va jusqu’à lui dire que c’est à ma demande : ce n’était pas tout à fait le moment pour « les Sardines », de Patrick Sébastien. Et elle finit en pleurs dans les toilettes, à me dire combien elle m’aime. Je la console pendant que tout le monde s’éclate. Le lendemain, je l’entends plaisanter de ses frasques. Cette façon de dédramatis­er son attitude, ça a été la goutte d’eau. Je lui reproche d’être immature, elle rétorque que je suis psychorigi­de. Comment on a recollé les morceaux. Silence radio pendant quinze jours, je ne veux vraiment plus la revoir. Puis elle m’invite à dîner chez elle, avec Laurent bien sûr. Sur son mur, elle a tendu un écran : dessus, un montage dingue du mariage, réalisé avec toutes les photos et vidéos récupérées des invités. Ça nous a vachement touchés, mais depuis ce jour je sais qu’on ne demande pas à un chat d’aboyer. Elle n’a jamais été très fiable, Laurent a raison. « Elle est jalouse de toi… », il aime ajouter. Je ne le crois pas. Mais mon mariage a mis quelques distances, même si elle est, et restera ma meilleure amie, celle avec qui je me promenais main dans la main à 4 ans en échangeant nos boules de coco. Angélique, 32 ans, commercial­e

Elle a perdu mon chat

Adana vit à deux rues de chez moi, on s’est rencontrée­s au café du coin de la rue. Ses parents ont fui le Kosovo au début des années 1990, avant que cette province rattachée à la Serbie, et prise dans le tumulte de l’ex-Yougoslavi­e, ne bascule dans une guerre entre une minorité d’origine serbe et

LES REINES DU SALE COUP ?

Katerine et Bree dans «Desperate Housewives»

l’immense majorité du pays, d’origine albanaise comme sa famille. On brunche souvent ensemble, avec ses ou mes amis. Cet été, elle ne part pas en vacances, et comme elle a déjà eu des chats et adore le mien : banco, c’est la solution idéale pour garder Spritz pendant trois semaines. Mais je la préviens : « Attention de bien tout fermer, s’il sort par la fenêtre, il ne reviendra pas. » Elle me charrie : « Mais oui, je m’en occuperai bien de ton fils va, t’inquiète pas. » Ça a failli nous séparer. Je ne m’inquiète pas. Jusqu’au jour où elle m’appelle à plus de minuit, en pleurs : ça fait des heures qu’elle le cherche partout, mais rien à faire, Spritz est parti par la fenêtre. Je hurle… Elle me dit de me calmer : « Une erreur d’inattentio­n, ça arrive. » D’ailleurs, pendant quinze jours où il faisait une chaleur atroce, elle a vécu fenêtres ouvertes sans qu’il ne se passe rien. J’explose. Elle vient juste d’avouer qu’elle a volontaire­ment enfreint ma règle, qu’elle a estimée ridicule. Elle a beau me dire qu’elle s’en veut pour Spritz, ça ne change rien. Au fond, ce n’est pas qu’une histoire de fenêtres : pour elle, je suis une fille gâtée, qui en fait des tonnes… D’autant qu’on l’a retrouvé deux jours plus tard, mon chat. Comment on a recollé les morceaux. À mon retour, je récupère tout, Spitz, la litière, et lui tends un cadeau, mais je n’attends pas qu’elle me remercie. C’est elle qui s’excuse. Elle vient d’un pays où la vie humaine est la seule priorité. Il faut la comprendre. Mais elle est désolée surtout pour ce que je pense être la bonne raison : m’avoir jugée. Depuis, on se revoit, on discute même politique, mais elle ne me charrie plus sur mes raideurs de fille qui ne sait pas ce que c’est la guerre, l’exil… J’ai un autre vécu, d’autres valeurs, et elle les respecte. Pauline 32 ans, dentiste Mila et moi, on est tellement proches qu’au lycée, on nous appelle « les twins ». Après le bac, elle décroche un IUT à Paris, et me supplie de venir la rejoindre pour qu’on prenne une coloc. Je laisse tomber Nantes et je m’inscris en fac à Paris II. Mais ça se présente mal pour l’appart. À un mois de la rentrée, on n’a toujours rien. Pendant qu’elle est en vacances, je cherche non-stop. Ça a failli nous séparer. Un jour, elle m’appelle : elle a rencontré la patronne d’un bar qui possède un tout petit studio au-dessus, le tout dans un coin génial de la capitale. Elle le lui laisse à bas prix. Mais de mon côté, je n’ai pas les moyens pour prendre un truc toute seule ! Elle ne peut pas refuser, c’est un super plan pour elle. Je passe un an chez ma tante à Chanteloup-les-Vignes, charmante bourgade à 1 h 15 en train, métro et bus avant d’arriver là où ça bouge un peu. Mila insiste pour que je dorme chez elle histoire de m’éviter les transports, mais il y a toujours un moment où ça clashe. Elle comprend que je l’ai mauvaise, mais maintient qu’elle n’avait pas le choix. Comment on a recollé les morceaux. Un jour, ça crie plus fort que d’habitude, j’ai cours à 8 heures, et j’ai oublié un bouquin à Chanteloup. En partant de

Elle m’a plantée alors qu’on devait prendre une coloc

chez elle, je lui colle sur le dos mes mauvais résultats aux partiels, mais en réalité, elle n’est en rien responsabl­e. Contre toute attente, ce clash nous a fait du bien. J’accepte qu’il y ait un peu de jalousie dans tout ça, mais c’est normal : elle s’en sort mieux que moi à Paris, elle a réussi ses exams et rencontré un mec. L’avoir suivie a été une erreur : on a grandi, on n’est plus obligées d’être collées serrées comme quand on avait 12 ans. L’année prochaine, je rentre à Nantes. On se verra moins, mais mieux. Laura, 22 ans, étudiante en droit

Elle a posé sa candidatur­e au même poste que moi

Après six mois de chômage, je tombe sur l’annonce de mes rêves via un compte Facebook auquel je suis abonnée… Chargée de mission pour une boîte de tourisme équitable. À la clé : voyages, travail d’équipe, un boulot qui a du sens. Le hic, c’est qu’il faut être « fluent » en anglais, ce n’est pas mon cas. Ma meilleure amie, Olivia, l’est, et elle bosse aussi dans la communicat­ion. Elle me conseille de foncer en me coachant à la Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. » Je décroche l’entretien. J’ai quinze jours pour bosser mon anglais. « Séries en anglais, une heure de BBC tous les matins, quelques entretiens pour s’entraîner et ça ira ma poule », dixit Olivia. Qui m’avoue alors qu’elle a aussi postulé « juste comme ça », parce que ça fait un bail qu’elle n’a pas passé d’entretien. Je tombe des nues. Ça a failli nous séparer. Mais il ne faut pas que je m’inquiète, c’est juste pour voir ce qu’elle vaut : « C’est un peu dingue de ma part. » Non, le plus dingue, c’est qu’elle ait eu le culot de postuler juste après que je lui ai parlé de l’annonce. Je coupe les ponts jusqu’à l’entretien où je me rends avec la boule au ventre. Et sans surprise, ça coince en anglais. Olivia est super détendue, elle est prise. Comment on a recollé les morceaux. D’abord, elle refuse le poste, ça ne se fait pas vis-à-vis de moi. Je rétorque que maintenant, c’est fait, elle doit accepter. Après des heures à me jurer qu’elle n’ira pas, et moi à la pousser à y aller, elle finit par dire oui. Aujourd’hui, je me réjouis (sans lui dire), quand elle me raconte que ça ne se passe pas bien. Et surtout, je ne lui parle plus de mes recherches. Ni de job, ni de mec, ni d’appart. Je ne veux pas briser notre amitié, on a vingt-cinq ans de souvenirs en commun, encore de beaux fous rires à venir, mais juste pas la même définition de la loyauté. Mathilde, 28 ans, en recherche d’emploi

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