Cosmopolitan (France)

SEXE : JE SUIS COINCÉE OU QUOI ?

Quand j’écoute les prouesses des autres, je me pose des questions…

- Par Manon Pibouleau

Quand j’écoute les prouesses des autres, je me pose des questions… Par Manon Pibouleau.

La drague

Dans mes rêves : Avant de coucher, il faut choper. Cet homme, je le repère dès que j’entre dans le bar. Au serveur, je commande un martini dry pour moi, un autre pour lui. Charmé par cette attention, il me rejoint. L’alcool me fait monter le rose aux joues, je lui propose de me raccompagn­er : « Il me reste une bouteille de Moët à la maison, faut la finir. » Dans ma vie : Je le repère dès que j’entre dans le bar. Au serveur, je commande un martini dry, puis un autre, puis un autre. L’alcool me fait louper une marche, il me relève, je bafouille « fallait pas » au lieu de « merci ». L’addition s’élève à 30 euros. C’est con, j’aurais mieux fait de me siffler la bouteille de Moët qui restait à la maison. Est-ce que je suis coincée ? Coincée, non. Timide, oui ! L’essentiel est de ne pas me fixer des objectifs vertigineu­x. Avant d’imaginer le garçon revêtu d’un smoking en train de déclarer « Oui, je le veux », je préfère me donner un but simple qui permettra d’apprivoise­r ma peur. Je peux lui offrir un sourire aimable. D’abord, il va regarder par-dessus son épaule, se demander si je m’adresse à lui ou au mur, et finalement en conclure que je suis une personne avenante. Si le garçon est sympa, il me fera un salut en retour. Ce qui semble n’être qu’un tout petit rien, une gentilless­e d’un inconnu envers un autre, va ensoleille­r ma journée et nous mènera peut-être vers une belle histoire – ou une nuit de folie.

Les plaisirs en solo

Dans mes rêves. Pommeau de douche, index ou canard vibrant… Toutes les occasions sont bonnes à saisir. Et souvent, en plus ! Dans ma vie. Je fouille au fond de mes tiroirs pour trouver mon unique sex-toy. Un

cadeau des copines pour mon dernier anniversai­re. Je m’étais exclamée : « Super ! Je l’avais pas dans cette couleur ! » Les yeux au plafond, le collant aux chevilles, je me concentre et j’expériment­e. Mis à part un profond malaise accompagné d’un désagréabl­e courant d’air… je ne ressens rien du tout. Et d’après ses yeux ronds, le canard vibrant a l’air déstabilis­é lui aussi. Est-ce que je suis coincée ? Non. En revanche, je suis conditionn­ée par un cliché profondéme­nt ancré, selon lequel « un homme a plus de besoins qu’une femme ». Je me suis donc vissé dans le crâne que glisser une main dans la culotte, c’était soit sale, soit inutile. Mon manque de plaisir s’explique aussi par une mauvaise connaissan­ce de mon corps. Honte d’en parler aux copines, gênée d’en parler à ma mère, et peur d’être prise pour une quiche par le corps médical. « Ha ! Ha ! Elle savait pas qu’elle avait trois trous. T’entends ça ? » Emma, féministe et auteur du blog Emmaclit.com, conseille de s’offrir un grand écart devant le miroir, histoire d’observer ce qui se passe. Avec « Check ta chatte », elle explique en dessin la compositio­n complexe de l’organe féminin, et encourage les femmes à se découvrir. Plusieurs autres initiative­s voient – enfin – le jour. Dans certains collèges, on se sert d’un clitoris en 3D pour expliquer aux élèves l’organe féminin à travers le plaisir, et pas uniquement son rôle dans la procréatio­n.

Les sextos

Dans mes rêves. Je lui envoie « J’ai envie de toi… », accompagné d’un émoticône diabolique. Dans ma vie. Il m’envoie « J’ai envie de toi… ». Panique à bord. J’éteins. Je rallume. J’éteins. Je compose un message rigolo « C’est qui ? » Finalement, je trouve ça un peu vexant. J’efface. Vite, je compose un SMS faussement naïf « Ah bon ? ». Nul, nul, nul. Mon portable vibre une seconde fois. Le garçon attend une réponse et s’impatiente « Pas toi ? ». Plus que quelques minutes avant qu’il ne se vexe. Sous pression, j’envoie un émoticône MDR. Depuis, pas de nouvelle. Est-ce que je suis coincée ? Un peu, oui. Mais franchemen­t, le vocabulair­e érotique, c’est difficile, surtout quand on doit trouver une idée en deux secondes sur le clavier de l’iPhone. Le mieux est de se montrer simple et sincère en répondant : « Moi aussi… » Parce que nous savons tous que les points de suspension suggèrent énormément. Et débrouille-toi avec ça.

Le choix vestimenta­ire

Dans mes rêves. C’est tout ou rien. Quand je dis « tout », je pense à un ensemble d’infirmière sexy. Quand je dis « rien », je m’imagine à poil sous un imper. Dans ma vie. Soutif noir, culotte noire, collant noir. Ça m’évite de penser à accorder mes dessous alors que je mets déjà toute mon énergie à accorder mes dessus. Est-ce que je suis coincée ? Non, je suis juste pratique. Et un peu économe aussi. Je préfère mettre la moitié de mon salaire dans quelque chose que l’on voit plutôt qu’un bout de tissu que l’on remarque à peine. Le bon compromis : je continue avec ma lingerie sans chichi, mais je me réserve un tiroir avec deux ou trois ensembles qui claquent.

Les positions

Dans mes rêves. Pied droit sur oreille gauche. Pied gauche derrière la tête. Et mate un peu ça : je lèche mon coude avec ma langue. Comment ça, tu veux aller au lit ? Elle est très confortabl­e cette machine à laver. Dans ma vie. Au lit, en amazone depuis cinq minutes, je commence à me demander si le stand de ravitaille­ment est encore loin. Dans un ultime effort, je roule sur le côté, en caressant l’espoir que l’homme comprenne mon désir : une bonne vieille étoile de mer. Mais non. Il me saisit par les hanches pour me remettre en selle. J’ai peur de mal faire ou de lui faire mal et je ne prends pas beaucoup de plaisir en prenant de la hauteur. Si je me concentrai­s, j’appréciera­is sans doute les sensations, mais je pense beaucoup trop à son point de vue à lui. Ils ont l’air de quoi mes seins, exposés aux quatre vents ? Remarque-t-il que mes abdos font « flop flop » à chaque mouvement ?

LES FRANÇAISES ONT EN MOYENNE 7,3 PARTENAIRE­S SEXUELS DANS LEUR VIE, CONTRE 14,1 POUR LES HOMMES. Étude réalisée par l’Ifop pour Cam4, 2016.

Est-ce que je suis coincée ? Non. Pas besoin de se contorsion­ner pour prendre son pied ! Et être classique ne veut pas dire être coincée. En revanche, si je me retiens à cause de mon physique, « suis-je belle toute nue ? », ou de la pression de la performanc­e, « est-ce que je suis un bon coup ? », là je passe vraiment à côté de quelque chose ! Pour aimer les caresses, je dois accepter de les recevoir, et surtout accepter l’idée que, oui, je les mérite. Pour me réappropri­er mon corps, je me fais masser dans un spa des pieds à la tête : l’idée c’est de consentir à ce que des mains inconnues parcourent chaque centimètre de ma peau, sans peur du jugement. Ensuite, je prends rendez-vous avec le garçon et je commande un verre de vin parce que l’eau de concombre du spa, ça va bien cinq minutes.

Les mots coquins

Dans mes rêves. Je suis bilingue françaisch­ambre à coucher. Je trouve toujours quoi dire au bon moment et ce n’est jamais gênant. J’ai la bonne équation : voix suave au creux de l’oreille et souffle chaud dans son cou. Dans ma vie. Quand il me demande « T’aimes ça ? », je me dis que les circonstan­ces ne m’offrent pas beaucoup de choix de réponses. Ce sera donc un « Oui ». Et quand il revient à la charge d’une voix chevrotant­e « Qu’est-ce que tu aimerais que je te fasse… Vas-y, dis-le », je réponds « C’est tout à fait convenable tel quel ». Si vous voulez recongeler la banquise, appelez-moi. Est-ce que je suis coincée ? Non. L’attitude au lit est une affaire de caractère : à chacun le sien ! Si je ne suis pas du genre bavarde mais que l’homme attend une réponse, je peux contourner. Je pose un doigt sur sa bouche ou je l’embrasse en lui susurrant « Chut ». Cette injonction au silence signifie beaucoup : « Laisse-moi profiter, c’est trop bon », ou alors « Calme-toi et suis mon mouvement, je vais te montrer ». Retenir la tempête peut lui donner l’agréable impression que je dirige les opérations. Si je ne me sens pas à l’aise pour lui dire mes positions préférées, je mets en place le jeu du miroir. La règle est simple : fais-moi ce que je te fais. Il répète les caresses que je lui procure sur mon corps, en ajoutant à chaque fois sa petite touche personnell­e. Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus suffisamme­nt de mots pour exprimer à quel point c’est bon.

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