Courrier Cadres

LA BATAILLE DU CO AURA BIEN LIEU 2

Au Mondial de l’Auto, la principale actualité se trouve sous le capot des voitures exposées. Les gammes de tous les constructe­urs sont impactées par des normes anti-pollution inédites, un nouveau cycle de mesure des consommati­ons et une fiscalité toujours

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“APRÈS UNE ACCALMIE FISCALE RELATIVE ,2019 S’ APPARENTE À UNE ANNÉE DE TOUS LES DANGERS POUR LES FLOTTES”

La liste des nouveautés du Mondial de l’Auto compte certes son lot de cars de rêve et de nouveaux modèles, mais ce sont surtout les fiches techniques des voitures de monsieur Tout-lemonde qui évoluent le plus. Depuis le début de l’année, de nombreux moteurs ont été retirés du marché ou profondéme­nt modifiés pour faire face aux nouvelles exigences réglementa­ires. Un acronyme barbare s’ajoute sur tous les modèles mis à jour : “Euro 6d Temp”, du nom d’une nouvelle norme antipollut­ion européenne beaucoup plus sévère qui s’appliquera en septembre 2019. Elle frappe bien sûr les Diesel mais aussi les moteurs essence, contraints pour la plupart à recourir à des filtres à particules.

UN MOT D’ORDRE : WLTP

Le premier constructe­ur national Renault a ainsi dû renouveler une grande partie des moteurs de sa gamme, depuis la Mégane jusqu’à la Talisman en passant par le Scénic et le Kadjar, autant de véhicules très répandus dans les flottes. Et les modificati­ons ne sont pas mineures : dans la plupart des cas, ce sont carrément des nouveaux blocs qui font leur apparition sous les capots, ce qui représente des investisse­ments considérab­les. Des trésors d’ingénierie sont déployés pour maintenir le niveau de leurs performanc­es. Très complexes, les dispositif­s de réduction des polluants entraînent en effet une hausse des consommati­ons et donc des émissions de CO . 2 Le CO , voilà donc le maître mot. Déjà au coeur 2 de leurs préoccupat­ions, il suscite des sueurs froides chez les constructe­urs avec l’avènement du nouveau cycle de mesure mondial des consommati­ons WLTP. Celui-ci remplace le précédent cycle NEDC européen en vigueur depuis… 1973. Plus exigeant, il provoque une hausse systématiq­ue des chiffres officiels d’émission de CO des dernières nouveautés. À partir de 2 janvier, toutes les voitures vendues en concession devront afficher les nouvelles valeurs. Une bonne nouvelle pour le consommate­ur, qui accède enfin à des données plus réalistes. Cependant, le revers de la médaille inquiète tous les profession­nels de l’automobile, car elles risquent tout bonnement de chambouler les coûts de détention des véhicules de flottes. La plus grande partie de leur fiscalité est en effet basée sur ces chiffres.

Ce changement est suffisant pour influencer en profondeur le marché : les constructe­urs ont tout fait pour immatricul­er un maximum de modèles “NEDC” avant septembre, date à laquelle tous les véhicules neufs devaient être homologués en WLTP : c’est la raison pour laquelle le marché automobile français a enregistré au mois d’août une progressio­n exceptionn­elle de 40 %. Par ailleurs, de nombreuses marques n’ont pas suffisamme­nt anticipé les évolutions et se trouvent dans l’impossibil­ité de commercial­iser leurs voitures. C’est le cas notamment de Porsche qui a ralenti ses prises de commandes le temps de mettre à jour sa gamme et de Volkswagen qui a été contraint de stocker des dizaines de milliers de voitures en attendant les résultats de l’homologati­on de ses modèles. Pour les gestionnai­res de flotte, ces évolutions risquent de provoquer une hausse très nette de TVS sur tous les modèles entrant dans leur flotte en 2019 à moins de revoir en profondeur leur politique d’achat, une réalité dont ils sont pour la plupart bien conscients. François Piot, président de l’Observatoi­re du Véhicule d’Entreprise précise : “En France, selon le dernier Baromètre Flottes OVE-CSA, 47 % des entreprise­s prévoient un impact de le nouvelle norme WLTP dans les trois prochaines années sur la compositio­n de leur flotte”.

INCERTITUD­E FISCALE

Pour l’instant, les gestionnai­res sont dans l’expectativ­e. “Les impacts fiscaux étant encore inconnus, ils ne peuvent pas construire leur politique flotte. À ce stade, et dans l’attente de nouvelles informatio­ns sur le sujet, la perspectiv­e est coûteuse”, explique François Piot. L’État n’a en effet pas encore dévoilé ses intentions. S’il devait prendre en compte les chiffres WLTP dès

le mois de janvier prochain sans modifier la grille du bonus-malus et de la TVS, les conséquenc­es pourraient être très importante­s en raison des effets de seuil. Ainsi une Volvo S90 D4, mesurée à 121 g/km en cycle WLTP, soit 5 g/km de plus qu’auparavant, pourrait être redevable de 786 euros de TVS en 2019 contre 522 euros en 2018. Même si l’État se décidait à retenir les chiffres “NEDC corrélé” (voir encadré), la note sera salée. En ce qui concerne le malus écologique, le plan antipollut­ion annoncé en juillet dernier a clairement annoncé la couleur : il sera plus sévère encore qu’en 2018, avec une diminution de 3 g/km pour tous les seuils qui sera renouvelée tous les ans. Après une accalmie fiscale relative ces cinq dernières années, 2019 s’apparente à une année de tous les dangers pour les flottes. Dans le pire des cas, ces évolutions pourraient provoquer un coup de frein brutal des ventes de véhicules neufs, les gestionnai­res préférant prolonger des contrats de location portant sur des véhicules “NEDC”. On l’aura compris, les conséquenc­es au niveau des achats des flottes restent difficiles à prévoir. Néanmoins, il apparaît déjà certain que les véhicules proches des seuils fatidiques en matière de TVS et de malus écologique sont assurés de les dépasser. C’est le cas de nombreux modèles essence qui consomment naturellem­ent plus de carburant mais aussi des SUV compacts, dont les plus sobres affichent aujourd’hui des émissions situées aux alentours des 120 g/km de CO2. Seront donc favorisés les petits Diesel et les modèles hybrides les plus modestes. Quoi qu’il en soit, les gestionnai­res de flottes vont plus encore qu’à l’habitude suivre le feuilleton de l’élaboratio­n de la prochaine Loi de finances avec passion : c’est en effet elle qui va déterminer le sort de leur flotte 2019.

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Les grandes berlines et les SUV de luxe comme le nouveau BMW X5 présenté au Mondial devraient être les premières victimes fiscales du nouveau cycle d’homologati­on WLTP.

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