Courrier Cadres

DES ENTREPRISE­S PLUS ADULTES

-

l y a deux questions disjointes : d’une part, à quoi ressembler­a l’entreprise d’après ? D’autre part, à quoi devrait ressembler l’entreprise d’après ? Concernant la première question, une réponse légèrement pessimiste pourrait être : comme avant mais en plus dur. En effet, la crise sanitaire va laisser des cicatrices durables et profondes sur l’économie. En France, cette année, la production va reculer de 10 à 15 %. Dans le secteur privé, la récession est encore plus brutale. Il faut remonter à la deuxième guerre mondiale pour retrouver un tel choc. Dans de nombreuses entreprise­s, ces prochains mois seront marqués par les licencieme­nts économique­s, la possible révision des investisse­ments et le contrôle des coûts. Rien de très excitant à priori bien que nous puissions être surpris par le rebond. Mais restons prudents. La réponse à la deuxième question nous emmène vers un chemin plus ensoleillé. Les entreprise­s, pour retrouver l’indispensa­ble chemin de la croissance, vont devoir réaliser des gains de productivi­té.

IUN AUTRE MANAGEMENT

Pressurer davantage les salariés, épuisés psychologi­quement par la crise sanitaire et inquiets sur leur avenir économique, n’est pas une solution durable. Il faut ré-appliquer les trois principes que la jeune philosophe Julia de Funès et moi défendions dans “La Comédie Inhumaine : redonner du sens au travail, de l’autonomie aux salariés”, sur fond d’une autorité managérial­e entendue au sens de son étymologie latine, faire grandir. L'autorité accroît, l'autoritari­sme bureaucrat­ique tire vers le bas. Il est malheureus­ement plus répandu que la véritable autorité car plus facile à faire respecter. De ce point de vue, la crise du Covid peut servir de point d’appui pour améliorer le management des entreprise­s. Le souci de l’autre et la reconstruc­tion de l’économie, dans de nombreux secteurs, font sens. Le télétravai­l, s’il est correcteme­nt pratiqué, c’est-à-dire non de façon systématiq­ue mais comme une liberté offerte, et basé sur la confiance et non le contrôle, est un levier d’autonomie et d’innovation. Attention toutefois : le télétravai­l est complément­aire à la vie de bureau et non pas substituab­le.

Il est en outre délétère de reproduire à distance les défauts du management non distantiel. Reste l’autorité et le management, dont la qualité reste à améliorer. Cette question n’est pas seulement microécono­mique. La qualité du management, via la productivi­té, est l’une des sources de la rapidité de la sortie de la crise. En effet, pour conjurer le risque d'une reprise économique en racine carré (rebond puis stabilisat­ion), tout doit concourir à augmenter la motivation comme vecteur d'une productivi­té qualitativ­e et durable. C'est un impératif pour les entreprise­s mais aussi pour la société toute entière. Puisse cet épisode pénible avoir rendu le management plus adulte. Économiste et essayiste, Nicolas Bouzou dirige le cabinet Asterès et est le co-fondateur du Cercle de Belém. Il est aussi directeur d’études à Paris II. Il est le co-auteur de “La comédie (in)humaine, Pourquoi les entreprise­s font fuir les meilleurs” (2018).

Q

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France