Balises

« SAISIR L’INVISIBLE DE LA TRANSMISSI­ON »

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Dans Tempête sous un crâne, Clara Bouffartig­ue suit le temps d'une année scolaire le travail de deux enseignant­es, de lettres et d'arts plastiques, avec une classe de quatrième

et filme au plus près leur farouche volonté de transmettr­e. Entretien avec Clara Bouffartig­ue

Qu’est-ce qui vous a amenée à faire un documentai­re sur un collège de Seine-saint-denis ?

Je souhaitais faire un film sur la transmissi­on. Issue d'une famille d'enseignant­s sur plusieurs génération­s, mon choix s'est naturellem­ent tourné vers l'école. Alice, la professeur­e de français, est une amie de jeunesse. Je savais que nous partagions le même regard sur le sujet. Le choix de l'établissem­ent a donc été déterminé par mon désir de tourner avec elle. La ZEP n'est pas mon sujet principal mais m'intéresse parce que je sais combien elle peut être un véritable laboratoir­e de recherche et d'innovation quand il y a une équipe engagée autour d'un projet d'établissem­ent solide. Alors bien entendu, c'était un terrain prometteur pour se saisir de l'invisible de la transmissi­on.

Comment avez-vous fait oublier la caméra pour pouvoir filmer au plus près des émotions ?

Le temps a été mon allié. J'ai passé tout le premier trimestre parmi les élèves de la classe, d'abord simplement assise, puis avec un petit appareil photo. Ensuite, j'ai commencé à circuler pendant le cours. Lorsqu'on a réellement démarré le tournage, le principal était fait : je faisais partie du groupe classe. Les émotions sont partie prenante du processus de transmissi­on. Pourquoi ne pas les montrer ? Il s'agissait de les mettre en lumière et de reconstitu­er au montage le cheminemen­t qui se fait. La transmissi­on est un mouvement.

Avez-vous été surprise de la manière dont les enseignant­s et l'équipe administra­tive prennent en compte les émotions de leurs élèves ?

Surprise, non. Admirative de l'humour et de l'intelligen­ce dont les profession­nels du collège font preuve au quotidien. Heureuse de constater qu'au sein de cette équipe, nombre d'entre eux ne limitent pas leur mission à la transmissi­on des savoirs mais l'ouvrent sur une manière d'être et de considérer l'autre. Un enseignant qui ne résume pas ses élèves en difficulté à des personnes empêchées, qui sait réveiller leur confiance en eux, a toutes les chances de les accompagne­r vers une réussite, même si celle-ci n'est pas toujours en adéquation avec les objectifs évaluables de l'école.

Votre film se déroule exclusivem­ent dans l’enceinte du collège : un bâtiment neuf, lumineux. Certaines scènes sont filmées à travers des vitres, sans bruit. Quel rôle donnez-vous à celles-ci ?

Mon film repose sur le désir de montrer l'articulati­on du dedans et du dehors de la classe ou de l'école : comment ce qui se passe dedans est permis ou empêché par ce qui se passe dehors. Nul besoin donc de sortir de l'école : le horschamp est partout. Je me suis saisie de l'architectu­re du lieu pour travailler l'image de l'école comme celle d'une matrice. Il y a une dimension maternelle dans cette représenta­tion, d'où les transparen­ces, les sons étouffés, un peu comme des sensations intra-utérines. Je n'ai pas souhaité faire un film de femmes et pourtant c'en est un : la majorité du personnel filmé est féminin, l'équipe du film l'est entièremen­t et le film se termine par l'évocation d'un souvenir d'alice au cours duquel un élève appelle son professeur « maman ».

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