LE CARNET DU VINCI FRANÇAIS, VILLARD DE HONNECOURT
VILLARD DE HONNECOURT
En saisissant sur le vif des chantiers, en France et en Europe, le quotidien des bâtisseurs, ce maître d’oeuvre du xiiie siècle nous laisse en héritage un Carnet représentant un rare témoignage d’une architecture et d’une époque.
« Villard de Honnecourt vous salue, et prie tous ceux qui travaillent aux divers genres d’ouvrages contenus en ce livre de prier pour son âme et de se souvenir de lui ; car dans ce livre, on peut trouver grand secours pour s’instruire sur les principes de la maçonnerie et des constructions en charpente. Vous y trouverez aussi la méthode de la portraiture et du trait ainsi que la géométrie le com
mande et l’enseigne. » Nous voilà prévenus. Autant son message est clair, autant le personnage demeure mystérieux, et seul son carnet permet de le situer. Il aurait vu le jour vers 1200, dans le village picard de Honnecourt-sur-escaut, près de Cambrai (située à l’époque aux confins des comtés du Hainaut, de l’artois et du Vermandois). Incertaine, la date de sa mort se situerait vers la fin du règne de saint Louis. Compagnon avant de devenir maître d’oeuvre, il accomplit son apprentissage en allant de chantier en chantier. À Vaucelles, il aurait travaillé à la construction de l’abbaye cistercienne ; à Cambrai, il assiste à l’élévation du choeur de Notre-dame ; on le retrouve à Reims, Laon, Chartres, Meaux, en Suisse à Lausanne et en Slovaquie à Košice où il participe à l’édification de la cathédrale hongroise Sainte-élisabeth. Une présence qui ne permet cependant pas de lui attribuer la paternité de certaines constructions.
UN CARNET DE NOTES ET DE CROQUIS
LE CARNET DE VILLARD DE HONNECOURT NOUS FOURNIT CERTAINES CLÉS POUR COMPRENDRE LES SECRETS DE NOS ANCÊTRES LES GRANDS BÂTISSEURS.
Mais quel est ce Carnet qui passionne tant les historiens médiévistes ? Il se présente sous la forme d’un petit volume de 14 sur 22 cm dont on a retrouvé 33 feuillets de parchemin, écrits et dessinés recto verso, de croquis, esquisses, dessins à la plume. Des notes explicatives en minuscules gothiques du xiiie siècle en langue « vulgaire » (du picard au lieu du latin qui régissait les écrits scientifiques et littéraires) accompagnent certains feuillets. À la fois architecte, ingénieur, ornemaniste, Villard, qui excelle dans les domaines de la géométrie appliquée et de la stéréotomie (science de la coupe de la pierre et du bois) témoigne des prouesses architecturales de l’art gothique : procédés techniques pour vérifier, par des visées au sol, de l’aplomb d’une clé de voûte d'une hauteur de 40 mètres ; art de tailler une voussure pendante, de faire un pilier carré ou de tracer un arrachement.
CRÉATEUR DE MACHINES TEL DE VINCI
Mais Villard de Honnecourt se montre également inventeur de génie – d’où son surnom parfois de Léonard de Vinci français – lorsqu’il crée d’infernales machines de guerre, des systèmes de vérins, un chauffe-mains portatif ou même des automates, comme un oiseau mécanique, par exemple ! Enfin, le Carnet lui permet d’exprimer un joli « coup de crayon » artistique en reproduisant des scènes naturalistes ou des personnages religieux ou civils en situation. Certains dessins ne sont pas sans rappeler les rituels des Compagnons du devoir, bien que les autorités civiles et religieuses de l’époque interdisent par des édits toutes formes d’associations ouvrières. De l’élévation de la cathé- drale de Reims au labyrinthe de la principale de Notre-dame de Chartres, en passant par les tours de la cathédrale de Laon (et son couple de boeufs), le Carnet de Villard de Honnecourt nous fournit certaines clés pour comprendre les secrets de nos ancêtres les grands bâtisseurs. Il représente aussi « un vecteur de mémoire majeur pour les techniques des métiers du xiiie siècle, pour les maçons, charpentiers, tailleurs de pierre, ymagiers », comme l’écrit François Icher dans son livre Les Oeuvriers des cathédrales. †