REIMS
UNE TRÈS GRACIEUSE MAJESTÉ
Les colosses ont parfois une grâce improbable. C’est bien le cas de Notre-dame de Reims, chefd’oeuvre gothique et cathédrale symbole à plus d’un titre : parce qu’elle est celle des sacres royaux ; parce qu’on l’a ressuscitée d’entre les ruines. Et parce qu’elle affirme mieux qu’aucune autre, depuis huit siècles, l’incomparable légèreté de la pierre.
Le jour du baptême de Clovis, le futur saint Rémi fait entrer son église dans l’histoire de
France. Entre 816 et 1825, du fils de Charlemagne, Louis le Pieux, à Charles X, 35 rois ont été sacrés dans cette cathédrale. Plus tard, le 8 juillet 1962, de Gaulle et Adenauer y ont aussi scellé la réconciliation franco-allemande, comme une plaque le rappelle à l’entrée… Un symbole puissant, sachant les bombardements systématiques qu’elle avait endurés en 1914.
EN RUINE APRÈS LA PREMIÈRE GUERRE
Albert Londres, qui faisait là ses premières armes de grand reporter, en fit un article fameux : « C’était la moins abîmée de France. Rien que pour elle, on se serait fait catholique. Ses tours montaient si bien [qu’on] les suivait au-delà d’elles-mêmes, jusqu’au moment où elles entraient dans le ciel […]. C’était la majesté religieuse descendue sur la terre. » Le 14 septembre, il avait vu les premières pierres tomber sous les obus. Le 29, il était revenu : « La cathédrale de Reims n’est plus qu’une plaie. » La restauration fut lancée dès 1918 : l’archi- tecte Henri Deneux allait consacrer vingt ans à relever ce qui avait pris deux cent cinquante ans à bâtir, et quatre à détruire. Son travail, malgré le manque initial de main-d’oeuvre et de matériaux, fut un modèle d’équilibre entre avancées techniques, telle la spectaculaire reconstruction de la charpente en ciment armé, et fidélité historique. Pour inscrire Reims au patrimoine mondial, en 1991, l’unesco n’a pas barguigné… Ce fut par ailleurs l’occasion de procéder à des fouilles archéologiques sous la cathédrale, autrement impensables, qui ont fourni de précieux ren-
seignements sur son histoire et celle des édifices antérieurs. On a ainsi appris que la toute première église était bâtie sur des thermes romains. Une autre campagne, menée en 2007 sur le parvis, a mis au jour des éléments datant du Moyen Âge. Cette année, la restauration des dix statues-colonnes des piédroits du portail devait marquer la fin de la restauration du dernier pan de la façade occidentale, mais la découverte de fissures derrière trois de ces statues dédiées à Marie a entraîné l'arrêt provisoire des travaux et des mesures d’urgence, en raison du risque de les voir tomber.
INNOVATIONS EN COULEURS
La cathédrale que nous connaissons fut entreprise en mai 1211, un an exactement
après l’incendie de la précédente, qui datait du ixe siècle. L’affaire fut menée tambour battant : le choeur et ses chapelles ainsi que le transept à deux collatéraux montèrent vite. Mais la vitesse coûtait cher, et la pression financière sur les bourgeois les mena, vers 1235, à une révolte qui ralentit considérablement le rythme, et sans doute aussi, les ambitions des bâtisseurs. L’absence d’un second bas-côté et des chapelles latérales pour la nef donne plus de sveltesse à