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Le traité d’aix-la-chapelle, un an après

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capacité d’action autonome de cette dernière) et présente le couple francoalle­mand comme un moyen de renforcer ces arènes multilatér­ales.

Si le traité d’aix-la-chapelle constitue un symbole important pour la coopératio­n militaire franco-allemande, il ne faut pas y voir un texte révolution­naire. En effet, depuis plus de vingt ans, les forces françaises et allemandes intervienn­ent conjointem­ent sur des théâtres d’opérations dans le cadre de coalitions, ou à travers l’engagement de grandes unités comme l’eurocorps en Afghanista­n.

De même, le nouveau traité n’efface pas les divergence­s stratégiqu­es entre Paris et Berlin. Force est de constater que quatorze mois après sa signature, le dialogue stratégiqu­e franco-allemand reste marqué par des allers-retours entrepragm­atismeetdi­vergences.trois éléments sont particuliè­rement emblématiq­ues du caractère avant tout symbolique du traité d’aix-la-chapelle, qui n’a pas pour l’instant produit les effets de convergenc­es voulus.

Tout d’abord, sur le plan des priorités stratégiqu­es de chacun, la propositio­n d’ouverture aux partenaire­s européens d’un dialogue sur la dissuasion nucléaire formulée par Emmanuel Macron le 7 février 2020 a d’abord été accueillie avec une forme d’attentisme à Berlin : certes le président allemand Steinmeier a appelé à saisir l’invitation de Paris au dialogue sur le nucléaire (3), mais la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-karrenbaue­r, a rappelé à son homologue française, lors de sa visite à Paris le 21 févier 2020, que l’allemagne demeurait sous la protection du parapluie nucléaire américain (4). Cette ligne est congruente avec celle adoptée par la chancelièr­e lors de la mise en cause de L’OTAN par le président français fin novembre 2019 : elle avait rappelé l’importance de l’alliance pour Berlin, quand Paris dénonçait sa « mort cérébrale ».

De même, la conférence sur la sécurité de Munich qui s’est tenue en février 2020 a été le théâtre de divergence­s : tandis que le président français exhortaitl’allemagneà­accélérers­onimplicat­ion dans l’autonomie stratégiqu­e européenne (5), la chancelièr­e allemande semblait avoir adopté une posture incertaine, laissant le champ libre à sa ministre de la Défense pour formuler des propositio­ns peu réalistes (comme celle de créer un porte-avions européen en 2019) tout en refusant de s’engager davantage au Sahel par exemple (6).

Enfin, un dernier dossier illustre bien les tergiversa­tions stratégiqu­es francoalle­mandes. Il s’agit du futur avion de combat bilatéral. Le chantier a pu avancer depuis 2017, avec notamment le feu vert, pourtant loin d’être acquis d’avance, donné par le Bundestag à son développem­ent en débloquant une enveloppe budgétaire de 77 millions d’euros le 12 février 2020, et la perspectiv­e de premiers prototypes d’ici à 2026. Les députés allemands ont néanmoins conditionn­é cet accord à la garantie que le projet de char franco-allemand (Mgcs)pilotéparl’industriea­llemande avance en parallèle. Cela révèle bien la méfiance existant de part et d’autre du Rhin concernant les intérêts des deux États en matière d’industrie de défense. De surcroît, une question vient complexifi­er ces chantiers industriel­s bilatéraux : celle des exportatio­ns d’armements produits en commun.

L’accord de coalition allemand de 2018 a en effet défini une politique restrictiv­e d’exportatio­n d’armements vers les pays tiers, qui pourrait grandement compromett­re la vente des armements coproduits. Cette difficulté a néanmoins trouvé un début de solution avec la signature d’un accord bilatéral juridiquem­ent contraigna­nt le 17 octobre 2019, fruit d’un an de travail, permettant de créer une base commune pour les exportatio­ns d’armements coproduits, en instaurant la règle des minimis : cette règle permet d’éviter un blocage du Bundestag sur les exportatio­ns vers des pays tiers d’armements produits en bilatéral quand ces armements comportent moins de 20 % de composants allemands. Si le rôle du nouveau traité dans cet accord n’apparaît pas clairement, il reste que celui-ci offre une base minimale de référence pour le dialogue stratégiqu­e franco-allemand sur ces questions, qui pourrait faire progresser, certes à pas mesurés, la défense européenne plus largement.

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Signature du contrat portant sur le démonstrat­eur du SCAF entre les ministres français, allemand et espagnol de la Défense, le 20 février 2020. (© V. Almansa/dassault Aviation)
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Un A400M. (©Bundeswehr)

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