Le général Beaufre
Portraits croisés
Roland BEAUFRE et Hervé PIERRE
Éditions Pierre de Taillac, Paris, 2020, 127 p.
Stratégiste de premier plan, André Beaufre (1902-1975) n’a, assez étonnamment, fait l’objet d’aucune biographie jusqu’ici. Ses contributions furent pourtant importantes. Dans le domaine opérationnel en premier lieu. C’est d’abord un homme à la carrière opérationnelle qui se termine en tant que représentant de la France auprès de L’OTAN avant de démissionner en 1962 et qui a connu la Deuxième Guerre mondiale, l’indochine, l’algérie, mais aussi les forces françaises en Allemagne. C’est aussi un stratégiste dont l’introduction à la stratégie et les ouvrages suivants ont certes marqué les débats stratégiques du temps, entre guerre nucléaire et guerre révolutionnaire, sans pour autant négliger la stratégie conventionnelle, et qui continuent, par leur clarté, à éclairer ceux d’aujourd’hui. Beaufre est donc un classique au sens premier du terme. C’est dans ce cadre que son fils et Hervé Pierre, colonel travaillant à une thèse sur Beaufre, ont écrit cet ouvrage original, en deux temps.
D’abord, le père. En ouvrant la mallesecrétaire de celui qui aurait pu devenir chef d’état-major des armées, son fils nous livre une série d’instantanés sur l’homme, dans ses complexités.
Ensuite, le stratégiste. Hervé Pierre exploite ici sa connaissance du sujet pour revenir sur les conditions intellectuelles dans lesquelles Beaufre a travaillé et qui l’ont placé dans une position très particulière, « trop Français » pour les Américains et « trop atlantiste » pour les gaullistes purs et durs – ce qui en fait, pour reprendre les termes de l’auteur, un « créole stratégique ». Intimiste, l’ouvrage est intéressant à plusieurs égards : pour ses portraits évidemment, personnel comme intellectuel. Mais aussi pour l’approche plus humaine qu’il fournit à celles et à ceux qui reliraient les travaux de Beaufre. Roman d’une vie, cet ouvrage se lit facilement et s’accompagne d’une très utile chronologie de la vie du général. À lire.