Esprit Yoga HS

ÊTES-VOUS UN (E) ACCRO de L'ACTION ?

Courir dans tous les sens pour faire un maximum de choses n’est pas nécessaire­ment la bonne solution pour être serein, ni même productif. Et si, comme le guépard, on ralentissa­it pour mieux accélérer ?

- Texte : Rasmus Hougaard et Jacqueline Carte

comme le guépard, ralentisso­ns pour mieux accélérer

Après une longue semaine de travail, le week-end arrive enfin. C’est le moment de se calmer, de se détendre et de ne rien faire. Or, avant 9h samedi matin, vous avez déjà organisé trois rendez-vous mondains, commandé un nouveau placard et lancé quatre autres projets qui vous tiendront occupé pendant le reste du week-end. Autre cas de figure : il est 8h et vous êtes déjà au bureau. Sur votre table se trouve une liste des quatre choses vraiment importante­s à faire dans la journée. Votre téléphone sonne, vous y répondez et, bientôt, vous vous apercevez que l’après-midi touche à sa fin et que vous n’avez traité aucune des priorités de la liste.

Ces deux cas illustrent la dépendance à l’activité, une condition humaine profondéme­nt enracinée causée par la dopamine. La dopamine est une « drogue-récompense » très addictive produite naturellem­ent par le cerveau. À court terme, elle apporte un sentiment de joie, de détente et de gratificat­ion. Cette hormone joue un rôle crucial dans notre état de constante occupation. Quand on organise trois rendez-vous mondains, qu’on commande en ligne un nouveau placard et qu’on consulte sa page Facebook, on reçoit un shoot de dopamine. On se sent bien, pendant un temps. Puis le cerveau demande un nouveau shoot. Plus d’actions. Et avec le temps, on se retrouve pris dans un cercle vicieux action-récompense. Voilà comment se met en place l’addiction à l’action. Tout ceci vous rappelle quelque chose ?

Être occupé, une paresse moderne

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la dépendance à l’activité est un stade avancé de paresse. Elle nous maintient occupé par des tâches. Plus nous nous tenons occupés, plus nous évitons de nous confronter aux véritables questions, celles qui sont parfois difficiles à se poser. Avons-nous choisi la bonne carrière ? Sommes-nous assez présents auprès de nos conjoints, de nos enfants ? Notre vie a-t-elle un sens ? En choisissan­t de nous noyer dans d’innombrabl­es tâches, importante­s ou non, nous évitons de faire face à la vie.

Au travers de cette activité débordante, nous pouvons avoir l’impression de faire de grandes choses, sans forcément savoir quoi. Mais nous continuons à nous agiter. C’est un peu comme monter une échelle le plus rapidement possible pour arriver en haut très vite. Et un jour, forcément, on y arrive. Nous atteignons le sommet, sous la forme d’une promotion profession­nelle ou de l’achat d’une nouvelle maison. Mais quel est le but d’atteindre le sommet de l’échelle, si c’est pour s’apercevoir qu’elle est appuyée contre le mauvais mur ?

Au fil des années, j’ai passé beaucoup de temps avec des gens qui étaient arrivés en haut de l’échelle. Un PDG en

Quel est le but d’atteindre le sommet de l’échelle, si c’est pour s’apercevoir qu’elle est appuyée contre le mauvais mur ? Dans le cas de la dépendance à l’activité, nous pourchasso­ns sans cesse des victoires à court terme. Nous nous tenons occupés en courant après des détails, perdant ainsi de vue des objectifs plus larges.

particulie­r, qui n’était pas très différent des autres PDG que j’avais rencontrés, est resté gravé dans mon esprit. Il avait des dizaines d’années d’addiction à l’activité sur son CV. Il était arrivé au sommet d’une entreprise internatio­nale d’assurance. Il avait travaillé dur pendant des années, suffisamme­nt pour avoir subi deux AVC. Mais il était prêt à travailler encore plus pour sécuriser sa retraite et le futur de sa famille. Malheureus­ement, sa santé commençait à le lâcher et il n’était pas sûr qu’il arriverait à l’âge de la retraite. Et pendant qu’il s’attachait à sécuriser son avenir, il avait perdu sa famille… La dépendance à l’activité l’avait empêché de s’apercevoir que sa famille s’éloignait de lui.

Cela ne veut pas dire que certaines activités ne sont pas importante­s. Travailler, cuisiner, faire le ménage et s’occuper de sa famille et ses amis font partie de notre quotidien. Mais il est également important de laisser un peu d’espace, un peu de vide dans notre liste des choses à faire.

« beaucoup D’activité, mais pas occupé »

Le Dalaï Lama allait arriver en visite. Plus de 10 000 personnes se rassemblai­ent pour le voir. Il fallait coordonner 500 bénévoles, une douzaine d’agents de sécurité et une foule de journalist­es. L’homme qui se chargeait de tout ça, Lakha, était un petit monsieur de plus de 75 ans, un vieil ami et camarade d’étude du Dalaï Lama. Lorsque je suis arrivé sur place en avance pour retrouver des amis et accueillir le Dalaï Lama, tout le monde était très affairé. Lakha était debout, en costume, au milieu de tout ça. Je me suis dirigé tout droit vers lui et pour lui poser une question que je n’ai plus jamais reposée à personne depuis. « Bonjour Lakha, es-tu occupé ? » Lakha s’est tourné vers moi, m’a regardé calmement et a dit « il y a beaucoup d’activité, mais je ne suis pas occupé ». Sa présence parlait bien plus que ses mots. Lakha était responsabl­e d’un énorme projet avec de nombreuses échéances et détails à gérer. Il se passait beaucoup de choses, mais ça ne l’atteignait pas. Il n’était pas occupé.

Ce jour-là, j’ai clairement compris que le fait d’être occupé est un choix. Nous avons peut-être des échéances, des projets et des activités, mais nous avons toujours la liberté de choisir l’attitude intérieure à adopter face à cela. C’est un choix. Et la capacité à faire ce choix découle du développem­ent d’un esprit clair, libre de la dépendance à l’activité. Aujourd’hui, nous avons tous tendance à être trop occupés, surchargés et souvent stressés. Cela fait partie de notre identité. Si nous sommes occupés, nous sommes importants. Si nous sommes stressés, c’est parce que nous avons un fort sens de l’engagement et que nous travaillon­s dur. C’est contenu dans L’ADN de nos sociétés modernes. Si nous ne sommes pas occupés et stressés, c’est que nous n’y mettons pas assez de coeur. Il y a quelque chose qui cloche chez nous. Mais Lakha m’a clairement montré ce jour-là un autre chemin : avoir de nombreuses activités et être hautement efficace et productif tout en maintenant sa clarté mentale et en demeurant calme, sans céder à l’addiction à l’activité. Sans paresse existentie­lle.

l’agitation tue le coeur

Il y a de bonnes raisons de surmonter cette dépendance à l’activité. En plus du fait qu’elle nous empêche de prendre du recul, l’agitation tue le coeur. En chinois, le mot « occupé » consiste en deux syllabes : l’une signifie « coeur », l’autre « mort ». Voilà qui ne pourrait pas être plus clair. Plus nous sommes occupés, plus nous

avons tendance à nous distancier des autres et de leurs émotions. La dépendance à l’activité nous maintient occupé et nous empêche de nous poser des questions. Et moins nous nous en posons, plus nous nous éloignons de ce qui a un but, de ce qui a du sens et de l’amour. Nous devenons d’efficaces robots qui accompliss­ent plein de choses. Mais très souvent, « plus » finit par être beaucoup « moins ». Parce que le coeur n’y est pas.

aller plus vite en ralentissa­nt

Pour éviter de tuer notre coeur à cause de toute cette agitation, nous devons ralentir avant d’accélérer. Nous devons vivre et travailler intelligem­ment. Faire de bonnes choses, et non beaucoup de choses. Une excellente analogie est celle du guépard.

Vous avez probableme­nt regardé des films animaliers et vu un guépard chasser. C’est impression­nant. Cet animal atteint des vitesses plus élevées que certaines limites de vitesse d’autoroute, et ce, en quelques secondes. En dépit de son corps incroyable, il ne se précipite pas pour sprinter lorsqu’il a repéré une proie. Au contraire, il ralentit. Il va très lentement. Il rampe à plat ventre pendant plusieurs minutes, se déplace au ralenti, le temps que tous ses muscles s’échauffent. Puis, quand il est prêt, tout explose et en quelques secondes il accélère plus vite qu’une voiture de sport et fond sur sa proie.

Le « truc » du guépard, c’est de ralentir pour accélérer ; nous pouvons en tirer une leçon utile pour surmonter la dépendance à l’activité et l’agitation qui en découle. De même qu’un guépard ne court pas dans tous les sens pour chasser des souris, nous pouvons apprendre à nous concentrer sur les tâches et objectifs qui sont réellement importants dans la vie et au travail, plutôt que de faire des choses simplement pour les faire.

Lorsque nous ralentisso­ns provisoire­ment et renonçons de ce fait à faire certaines choses, nous donnons une chance au cerveau de s’affranchir de son envie de dopamine. Nous pouvons alors mieux nous concentrer afin de choisir nos actions dans un état de clarté mentale et de liberté d’esprit, plutôt que de manière impulsive. De cette manière, nous devenons plus à même de poursuivre des objectifs plus profonds et importants de la vie, comme la bienveilla­nce, le bonheur ou l’épanouisse­ment personnel. En ralentissa­nt, nous pouvons accélérer.

Nous avons peut-être des échéances, des projets, mais nous avons la liberté de choisir de ne pas devenir dépendant d’une frénésie d’activité.

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 ??  ?? * Rasmus Hougaard est le fondateur et Jacqueline cartier est la directrice pour l’amérique du nord du Potential Projet, une organisati­on proposant des formations de pleine conscience aux entreprise­s. Publié avec l’autorisati­on de mindful magazine ©...
* Rasmus Hougaard est le fondateur et Jacqueline cartier est la directrice pour l’amérique du nord du Potential Projet, une organisati­on proposant des formations de pleine conscience aux entreprise­s. Publié avec l’autorisati­on de mindful magazine ©...

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