GP Racing

UN CIMETIÈRE DE TALENTS

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Aquoi servent les Grands Prix moto ? La réponse, ou plutôt, les réponses à cette question varient du tout au tout selon la personne à qui vous la posez. Pour les pilotes, il s’agit d’un ego trip et d’un shoot d’adrénaline. Exposer leur talent personnel au vu et au su de tous a pour effet de booster leur ego à bloc. Quant à leur taux d’adrénaline, il atteint des niveaux record dus aux risques encourus sur chaque circuit en étant toujours à la limite et en se battant contre des concurrent­s tout aussi barrés qu’eux. Pour les fans, ce sport est une somme de petits plaisirs vécus par procuratio­n. Ils admirent notamment les exploits des pilotes sur la piste, se délectent des prouesses techniques, et ( pourquoi se mentir ?...) apprécient de voir une bonne gamelle de temps en temps. En ce qui concerne la Dorna, il s’agit essentiell­ement de voir sa petite entreprise s’épanouir, d’en faire un business rentable et d’accroître la valeur de son capital. Le bilan comptable est bien plus important que n’importe quel classement au championna­t. Pour ma part, je pense que cette compétitio­n devrait également servir à faire progresser l’ingénierie. C’est un terrain d’essai où la course peut être à l’origine d’une ingéniosit­é mécanique qui, fi nalement, peut permettre d’améliorer toutes les motos en général. Un plan malheureus­ement contrecarr­é par les restrictio­ns budgétaire­s de ces dix dernières années imposées par la Dorna. Là, ça se complique un peu. Depuis leur arrivée, je suis chaque jour un peu plus démoralisé de voir ces machines remplacer les 250. Ces motos grossières, avec leur moteur 600 CBR Honda bien trop encombrant, ne se contentent pas seulement de laisser échapper des sons franchemen­t discordant­s, d’être parfaiteme­nt identiques et de rester coincées avec leurs transmissi­ons trop longues de motos de route. Elles mettent en plus les pilotes dans les situations les moins enviables. Je me suis fait descendre en fl èche par le passé pour avoir décrit cette classe comme « un cimetière de talents » , mais je n’en démords pas. Et le nombre d’anciens champions du monde que l’on voit se traîner en milieu de peloton ne fait que renforcer ma position. Voici quelques noms de pilotes ayant remporté des titres en 125 et Moto3 que l’on retrouve en Moto2 : Cortese, Lüthi, Simon, Marquez Junior et Lowes ( du Mondial Supersport). Seuls Lowes et parfois Lüthi se retrouvent régulièrem­ent en groupe de tête. Et le leader actuel au championna­t du monde Moto3, Danny Kent, a dû redescendr­e d’une catégorie pour pouvoir exprimer pleinement son talent, somme toute incontesta­ble. Au guidon de motos trop lourdes, mal chaussées et en manque de puissance, les pilotes se voient bridés. Sur des machines d’une puissance équivalent­e, il leur est par exemple diffi cile de profi ter de l’aspiration d’un concurrent pour le passer en ligne droite. C’est l’une des cartes que tout bon pilote devrait pouvoir sortir et pourtant, impossible de la jouer. Dans les garages, les mécanicien­s devraient être en mesure d’aider leur pilote en modifi ant les réglages moteur, l’électroniq­ue, et en trouvant la bonne combinaiso­n de transmissi­on. Mais ça non plus, ce n’est pas possible. Il ne s’agit pas de discrédite­r les aptitudes de ceux qui enchaînent les victoires. Son boulevard d’avance dans la course au titre, Johann Zarco ne l’a pas volé. Le pilote a encore un rôle à jouer, mais alors dans ce cas, où sont les autres ? Ce n’est pas non plus la meilleure école avant de passer à la catégorie reine, où l’on peut ( encore) modifi er l’électroniq­ue et la transmissi­on. Les pilotes passés de la Moto2 à la MotoGP comme Marc Marquez, Stefan Bradl et Bradley Smith chantent tous le même refrain : ce n’est pas la puissance supérieure des MotoGP qui leur a permis d’apprendre à vitesse grand V, mais l’électroniq­ue et les autres possibilit­és de réglages qu’offre une bonne machine de GP. Et maintenant, prenons le cas de Jack Miller, le premier pilote à sauter l’apprentiss­age de la catégorie intermédia­ire. Le seul à avoir eu un parcours similaire était Garry McCoy, le « roi de la glisse » , qui a remporté trois Grands Prix dans un team privé... Bon présage, s’il en était. Prenons aussi l’exemple de Maverick Viñales. Ce dernier n’est resté qu’une année en Moto2. Il a gagné quatre courses et dès que l’occasion s’est présentée, en l’occurrence avec Suzuki, il en est sorti pour grimper à la catégorie supérieure. Ce sont de bons exemples pour les pilotes, s’ils ont la chance de voir l’opportunit­é se présenter. S’ils s’attardent un peu trop dans ce championna­t du moteur unique, ils risquent de s’embourber et de ne plus pouvoir s’en échapper. Que Zarco en soit conscient. J’étais profondéme­nt déçu lorsqu’à Assen, Vitto Ippolito, le président toujours aussi charmant de la FIM, m’a confi é que de tous les changement­s en MotoGP, la Moto2 était celui qui avait été le plus infl uencé par la Fédération. Il est vrai que la classe des 250 était en danger d’extinction, les deux- temps étaient en train de disparaîtr­e, Aprilia avait la mainmise sur le championna­t et les coûts atteignaie­nt des sommets indécents. Il fallait agir. La situation aujourd’hui ne s’est malgré tout pas améliorée. Il faut faire quelque chose pour redorer le blason d’une catégorie intermédia­ire qui a sa place en Grands Prix et rétablir l’ordre naturel du talent de pilotage. La Moto2 est peut- être un bon moyen de divertir les spectateur­s peu regardants, mais de là à faire partie du championna­t du monde de vitesse... La Moto3 est la preuve irréfutabl­e que, malgré des coûts restreints et une technologi­e limitée, on peut avoir une catégorie digne de ce nom en championna­t. La Moto2 mérite quelques ajustement­s : une ouverture aux autres constructe­urs et un nouveau règlement lui assurant la place qui lui revient dans la hiérarchie technique. Les Moto3 et les MotoGP partagent un alésage maximum. En effet, un moteur 1 000 cm3 de MotoGP, c’est l’équivalent de quatre moteurs 250 cm3 de Moto3 sur un seul vilebrequi­n. Les Moto2 devraient se trouver à mi- chemin : deux cylindres et 500 cm3, des moteurs de course authentiqu­es. Les pilotes le méritent, les fans aussi. S’il vous plaît, M. Ippolito, si la Fédération en a le pouvoir, faites quelque chose, ne nous laissez pas comme ça...

S’IL VOUS PLAÎT, M. IPPOLITO, FAITES QUELQUE CHOSE, NE LAISSEZ PAS LA MOTO2 COMME ÇA

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