Style Jouez-la comme bécane !
La moto custom (pour customisée) a le vent en poupe. Une tendance qui n’échappe pas au marketing des plus grandes marques. Décryptage. Par Charles Audier Photos Laurent Nivalle
Des barbes bien taillées, des gros revers de jean slim et des tatouages sur les avant-bras… Nous ne sommes pas dans le South Pigalle parisien (Sopi, pour les intimes) mais en bord de mer, à Biarritz, au festival Wheels and Waves. Un événement qui mêle style et moto avec un soupçon de surf culture, en un mot : le custom, tendance qui pousse des trentenaires, plutôt urbains, à retaper des bécanes anciennes. Il s’agit de dépasser l’aspect vintage pour créer une nouvelle machine personnalisée et unique. « Je souhaite partager et montrer des motos que je trouve belles et brillamment préparées », explique à GQ Vincent Prat, l’organisateur du festival, sorte de Coachella de la moto. Les 5000 visiteurs attendus admireront 60 engins et côtoieront 250 préparateurs venus de toute l’europe. Au programme : soleil, concerts et, surtout, balades en bécane. Car l’objectif de la moto custom, c’est de rouler « différent », et de faire la nique aux vilains tricycles MP3, considérés comme de vulgaires « déplaçoirs ». Alors le custom, nouveau snobisme ? Plutôt une lame de fond qui gagne les hipsters, après les food trucks, les bières artisanales ou les fixies. La moto façon Mad Men, en somme. Et si on en parle tant, c’est que ce mouvement motorisé, hédoniste et stylé constitue une source d’inspiration providentielle pour le marketing et la publicité : un retour aux valeurs authentiques du motocyclisme, comme l’entraide, le cambouis sous les ongles et l’appel des grands espaces. En décodé: le custom véhicule une image positive qui
Il s’agit de rouler
« différent », sur un engin vintage
retapé et unique.
séduit le monde de la mode. « On veut des sensations essentielles et brutes. Et le fait que la moto soit un moyen de locomotion accapare plus facilement l’esprit des gens », nous confie Éric Venel, directeur général de Chevignon. La marque vient justement de collaborer avec l’équipementier Helstons, pour réinventer le Mac, l’iconique veste en cuir de Macgyver. De son côté, Lee Cooper attire le chaland dans ses boutiques en exposant en vitrine une Honda CB 1100, customisée par le préparateur Bad Seeds, avec surpiqûres peintes sur le réservoir. Même Ralph Lauren a succombé au charme de la moto en organisant à la fin de l’été dernier un road trip près de Paris avec retour au flagship du boulevard Saint-germain.
Victime de la mode Car le custom touche la cible rêvée, celle qui consomme le plus : les hommes de 25 à 45 ans, citadins, CSP+, branchés et prescripteurs. L’horlogerie l’a bien compris, comme Tudor, qui entretient un partenariat avec Ducati depuis 2011 et propose cette année des montres Fastrider aux couleurs du Scrambler italien. Forcément, cette récupération affole les constructeurs de motos qui, eux-mêmes, s’engouffrent dans la brèche. « La scène du custom bouillonne d’imagination et redynamise notre industrie », affirme Alexandre Kowalski, directeur marketing de Yamaha France. Un vent frais bienvenu souffle donc sur le marché du deux-roues qui retrouve cette année des chiffres positifs après trois ans de déclin. Les constructeurs accompagnent donc ce mouvement en sortant des modèles prêts à customiser, telle la Yamaha SR 400 ou la XJR 1300. Un exemple suivi de près en Europe, chez Moto Guzzi, Ducati ou BMW dont la R ninet s’arrache en concession. La question se pose alors : cette marchandisation qui plane sur le custom ne risque-t-elle pas d’en dénaturer l’esprit ? Pas forcément, et pour une raison simple : eux-mêmes issus, pour la plupart, du marketing, ces passionnés de belles mécaniques en maîtrisent déjà les codes, à l’image de Fred Jourden de l’atelier parisien Blitz et ancien de chez Lycos. « Je suis fier d’avoir quitté le web pour redevenir un col bleu », affirme-t-il. Les Blitz n’ont pas hésité à collaborer avec la marque de jeans Edwin pour produire un film prônant l’art de se déplacer à moto : Long Live the Kings. Comme une opération win/win, cette vidéo sponsorisée, pub géniale pour les préparateurs parisiens, a été suivie de l’éblouissant documentaire The Greasy Hands Preachers, qui sera projeté au festival Wheels and Waves. Une belle manière de terminer la balade.
Le custom touche la cible qui consomme le plus. Une aubaine
pour la pub.