Les ailes du délire
L’aile volante : c’est la technologie du futur pour le drone, et probablement le jouet pour grands garcons ultime GQ est allé explorer ce marcé en plein décollage
AU COMMENCEMENT étaient Icare et ses plumes collées à la cire, puis est arrivé Michel Fugain avec son tube « Fais comme l’oiseau » (1972), invitant à s’élever au-dessus des tracas du monde moderne. Justement, la dernière tendance dans l’univers du drone de loisir réunit l’aéromodélisme à la papa et le simulateur de vol dans un seul appareil totalement immersif : l’aile volante. « Cette forme d’aéroplane, la plus pure qui soit, permet d’imiter le vol d’un oiseau et d’accomplir le rêve ultime des ingénieurs de drones », explique à GQ Henri Seydoux, le PDG de Parrot.
CAR CONTRAIREMENT aux petits drones à multirotor bourdonnant, l’aile volante Disco de Parrot plane majestueusement grâce à son mètre d’envergure. « Nous avons cherché la simplification extrême tant dans le design que dans la facilité d’utilisation », affirme Henri Seydoux. L’appareil se lance face au vent comme un frisbee, puis monte automatiquement jusqu’à 50 mètres où il tourne en boucle dans l’attente des ordres radio du pilote. Rien de plus simple. L’utilisateur peut alors observer le drone à l’oeil nu depuis le sol comme un avion télécommandé, ou bien enfiler des lunettes de réalité virtuelle (VR) et vivre l’expérience du vol immersif la plus absolue, retransmise par la caméra grand angle et haute définition. Testé par GQ, le pilotage du Disco donne immédiatement envie d’entamer une migration aux côtés d’une escadrille d’oies sauvages. Même si on est loin du voyage de Nils Holgersson – en cause, le rayon d’action de seulement 2 km autour de la télécommande –, l’aile volante Disco atteint 80 km/h et dispose de 45 minutes d’autonomie, un record pour son prix de 1 299 euros. Enfin dernier atout, l’inversion de poussée du moteur permet un atterrissage automatique en une dizaine de mètres, alors que l’hélice se replie pour ne pas s’abîmer en frottant sur le sol. « C’est une nouveauté de rupture, jubile Seydoux. Nous offrons enfin la possibilité à n’importe qui de devenir pilote. »
ÉVIDEMMENT, AVANT d’en arriver à ce degré de simplification et d’automatisation, l’expé- rience acquise avec les multirotors comme le Parrot Bebop a été précieuse. Sans celle-ci, pas de miniaturisation du gyroscope, ni de capteurs de pression ou d’ultrasons. Et pas non plus d’algorithmes de fusion de données, qui assistent en permanence l’utilisateur en calculant l’altitude, la proximité du sol ou encore la stabilité de l’appareil. Par ailleurs, le rachat en 2012 de l’entreprise suisse Sensefly, spécialisée dans le drone aile volante à usage cartographique, a également servi de rampe de lancement au Disco, et en particulier à son modèle professionnel ebee, au prix élitiste de 9 900 € HT sans option. Entre l’ebee et le Disco, un autre petit constructeur français, Lehmann Aviation, présente lui aussi pour Noël un modèle intermédiaire, le L-A 500. Entièrement redessiné par Ora Ito qui a créé « un drone fluide et animal », il sera vendu 3 490 euros. Cet appareil doté comme le Disco d’un kit VR pour le vol en immersion vise les « pro-summer », c’est-à-dire les dronistes de loisirs les plus experts. Même Facebook s’y intéresse avec son prototype d’aile volante Aquila (lire ci-contre). « C’est un projet passionnant, souligne Seydoux, car le vol automatique permanent, c’est le Graal ultime. Nous travaillons, nous aussi, sur des drones ailes volantes solaires à cellules photovoltaïques conçues pour les satellites géostationnaires, qui permettent déjà de voler presque une journée complète. » Joli retournement de situation : la malédiction d’icare va enfin être conjurée et il faudra voler au plus près du soleil pour continuer à avancer.