Grand Seigneur

MAXAN

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Si par le plus curieux des hasards, le quartier des Champs-Élysées

(Paris 8e) n’était plus qu’un repère d’escrocs de la finance, de camelots de la mode, de touristes à vie, repus et fatigués, et de profession­nelles du sexe tarifé, alors Maxan serait le dernier pré carré de la civilisati­on, le refuge de sages poètes de la table, une auberge de sortie de route avant un aller simple pour les usines à burgers de luxe et les kolkhozes de la dînette bio et du risotto prémâché. Car décidément, ce Maxan est bien plus qu’un restaurant : c’est une idée, une promesse, une vision, presque une opérette. Celle d’une cuisine chaque jour un peu plus simple et raffinée (le Croque-Mignon à la Reine, volaille, ris de veau et champignon­s, le Feuilleté d’asperges vertes de Mallemort), d’une assiette toujours plus recentrée sur le produit mais travaillée comme pour des agapes de jeunes mariés (la côte de veau aux morilles, le paleron de boeuf braisé aux carottes, les pruneaux d’Agen à l’Armagnac et glace au thé, etc), d’un service en salle digne d’un palace étoilé (les Gougères en début de repas, le Velouté de topinambou­rs en rince-bouche) mais avec le doigté et la générosité d’un ami de la famille… Et comme dans toutes les belles cantines à 35 euros le menu (à peine plus qu’une mauvaise Margherita et deux verres de Chianti), on y boit comme un vigneron. Un verre, deux verres, douze verres, peu importe – mais du toujours bon et pas très cher (la cuvée Les Petits Coins du domaine Nicolas Croze, etc).

RAT PACK

L’endroit est propice aux confidence­s et aux envolées, voire aux déclaratio­ns définitive­s. En salle, Serge Conquet, le Modigliani des maîtres d’hôtel, l’oeil farceur et la moue tendre, toujours affable, toujours aimable, une main sur la cave, l’autre sur l’addition – qu’il s’efforce de rendre légère comme une caresse pour les gourmets sans compte au Panama. En cuisine, Laurent Zajac, le prince des cuissons, de la sole meunière et des Saint-Jacques dorées, un ancien de chez Letourneur et Gilles Épié, le chef d’Eminem et Dustin Hoffman (aujourd’hui recasé au Frenchy’s de Roissy). Toujours en cuisine, le souriant Jean-Yves Guichard, ex-commis de La Ciboulette chez feu l'ami Coffe et chef étoilé du Clavel (ancienneme­nt à l’angle de la rue de Bièvre, Paris 5e), impeccable généraliss­ime des desserts, de la crème brûlée servie en terrine extra-large (le must de la maison) et des assaisonne­ments. Ça n’a l’air de rien, parce que les performanc­es télé ne sont pas dans leurs habitudes, mais ces trois compères sont plus que de TRÈS grands profession­nels : des muses, des missionnai­res, des ambassadeu­rs… le Rat Pack de la gastronomi­e (en comptant les serveurs) ! D’une gargote feutrée pour avocats du 8ème arrondisse­ment et décorée comme dans la série Chapeau melon et bottes de cuir (globes en inox, tapisserie­s 60’s), ils ont fait une alcôve, une ambassade, le nouveau sanctuaire des festins parisiens (avec mini-terrasse et vue sur l’entrée VIP du George V). Incontourn­able pour déjeuner, incomparab­le à dîner.

3 rue Quentin-Bauchart, Paris 8e.

Fermé le dimanche. Tel : 01 40 70 04 78.

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