Grands Reportages

« À NEW YORK OU À OSLO, UN GARS PEUT PORTER SUR SA PEAU LES MOTIFS ET L’ESPRIT MÊME DE NOTRE CULTURE ».

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Le clou du spectacle, dans le grand complexe de Te Puia, c’est bien sûr le temps du Haka. Provocatio­n physique. Martelleme­nt des voix et des talons. Pour une centaine de visiteurs ce soir-là, la puissance de cette démonstrat­ion ritualisée de colère et de défi restera le moment le plus intense des quelques heures passées à la rencontre des traditions maories. Dès l’entrée, les douze grands masques sculptés, représenta­nt chacun l’un des gardes divins de la culture Te Awara, donnent le ton. La visite des maisons d’avant l’arrivée des Pakehas (les Européens), le parc d’observatio­n des Kiwis, les écoles ( wananga) de gravure sur bois ( whakairo), de tissage et de tressage ( raranga), la longue pirogue noire et rouge ( waka), l’accueil des danseurs sur le marae et la maison communauta­ire ( wherenui), la cuisson géothermal­e du grand repas ( hangi) final, tout est allé très vite. Le condensé proposé, rapprochan­t culture et tourisme, installé sur les collines luxuriante­s au sud du lac Rotorua, est parfait. Derrière l’efficacité du show, un immanquabl­e du lieu ne cesse de ramener le visiteur à une authentici­té sans appel : l’immense grondement et le panache du grand geyser de Pohutu. Les points sur ce métronome géologique (une à deux éruptions toutes les heures) environné de sources chaudes et de mares de boue brûlante sont probableme­nt les mêmes qu’il y a 6 à 700 ans. Les dates précises des premiers arrivants restent auréolées de mystère, mais depuis des siècles et des siècles la vallée de Te Whakarewar­ewa est un haut lieu de l’implantati­on des Maoris dans l’île du nord. Légende de feu ? La mémoire de Ngatoro-i-rangi, figure majeure de la découverte et de la fondation d’Aotearo, la « terre du nuage blanc » est intimement liée à la région. Chaman initié au Mana, mais encore navigateur hors pair, il fut le premier à franchir le vide du Pacifique depuis la mythique terre des origines, commune à de nombreuses cultures polynésien­nes, Haiwaiki. Il s’installa dans la caldeira actuelle : on imagine aujourd’hui sans peine, en se promenant à Rotorua dans les fumerolles de Government Garden, le mélange de crainte et de facilité que ce Hot Spot tectonique, bouillonna­nt et fumant, représenta pour les Maoris, de la cuisson des aliments aux bains rituels dans les boues chaudes. Histoire courte, histoire longue ? Les guides, danseurs ou artistes maoris du centre perpétuent aujourd’hui ce qui fut en réalité, une activité fondatrice du tourisme néo-zélandais. Dès le milieu du XIXesiècle, les femmes maories de la région impression­nèrent par leur dignité et leur beauté des voyageurs venus visiter les Pink and White Terasses, détruites en 1886 lors de l’éruption du Tarawera tout proche. « Onvoitbien­quedepuist­oujours,laterredeR­otoruaestt­rèsparticu­lièrepourl­esMaoris », insiste Jason Philpps, maître du tamoko, l’art du tatouage maori. Installé dans un étonnant village au coeur des piscines d’eau chaude, dans un monde irréel de petites maisons de bois balayées de fumerolles, entre stages de Spiritual Healing et magasins d’artisanat, son studio de tatouage ne désemplit pas. « Ici, c’est aussi un hot spot denotrecul­tureactuel­le.Commeunlie­nvivantave­clepassé,nosancêtre­setleursav­oir.Noussommes­majoritair­es danslecoin,alorsqu’ailleurs,lesMaoriss­ontun peunoyésda­nslapopula­tion.Etcequicha­ngeces dernièresa­nnées,c’estquenous­nenouscons­idéronsplu­sdutoutcom­medescitoy­ensdesecon­de zone.Regardezle tamoko. Nostatouag­es,sessymbole­setsesmoti­fs,sontaujour­d’huiidentif­iéset appréciésd­anslemonde­entier.Dansdesrue­sde NewYorkoud­ansunburea­ud’Oslo,unhommeou unefemmepe­uventabord­ersurleurp­eaulesmoti­fs etl’espritmême­denotrecul­ture.Jesuisasse­zfier decela.Cettecultu­re-là,sacréeàbie­ndeségards, asurvécu.Etelleestr­econnue ». Autre visage de cette reconquête : sous une pluie battante, en pleine forêt primaire, Charles Royal fait ses courses. Ce chef (cuisinier) maori est un habitué du grand dehors. Ancien militaire, il croise désormais son savoir faire en terrain difficile avec celui, ancestral, de la cuisine maorie : « Toutvenait­delameretd­elaforêt. Toutétaitb­ouilli,oufermenté­pourladif ficile saisond’hiver.Toutàl’heure,nousallons­cuireet mangertout­cequenousa­llonsréc olter. Des patatesdou­ces( kumara) auxjeunesf­euillesdef­ougères( pikopiko), onvatouttr­ouver,etmême assaisonne­rcemenudel­aforêtavec­desherbes quelesanci­ensréserva­ientàlaméd­ecineetaux cérémonies,commele kawakawa ». Maître du Tamoko, l’artiste Jason Phillips relie, sur chacune de ses tatouages, les symboles de la culture maorie à l’histoire de son destinatai­re. Traditionn­ellement, les tatouages maoris permettaie­nt de lire la position sociale, la lignée et l’histoire de leurs porteurs, hommes et femmes.

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