Traits de caractères P
etite, Nettie Wakefield dessinait des sirènes sur les murs de sa chambre, au grand désespoir de sa mère. Elle s’émerveillait devant les illustrations de Trina Schart-hyman pour Le Lac des cygnes, de Quentin Blake pour les romans de Roald Dahl, ou en lisant les histoires du Dr Seuss. Cette envie irrépressible de tenir un crayon ne l’a jamais quittée : “Si je trouve que quelque chose est esthétiquement intéressant, je ressens un besoin compulsif de le dessiner”, explique-t-elle. Après des études d’art et d’histoire de l’art, elle obtient son master de dessin en septembre 2013. Courte mais déjà bien garnie, sa carrière démarre sur les chapeaux de roues. Entre deux sélections pour des prix prestigieux (le Jerwood Drawing Prize en 2013 et le John Ruskin Prize en 2015), elle expose dès février 2014 à la galerie londonienne Rook & Raven. C’est là qu’elle dévoile sa fameuse série Reversed Portrait Pencil Series, des têtes vues de dos méticuleusement exécutées au crayon, d’un trait infiniment léger et précis. Cette idée lui est venue pendant ses études, en plein cours : “La fille assise devant moi avait des cheveux blond vénitien, arrangés pour former une sorte de chignon tressé. Ils avaient l’air tellement doux que j’avais envie d’y toucher. Satête vue de derrière me fascinait. J’ai commencé à la dessiner, en détaillant la moindre mèche.” C’est le début d’une série de portraits intriguants, au réalisme presque photographique, qui dégagent un mystère envoûtant. Il y a un peu plus d’un an, quand Banksy lance le projet Dismaland (parc d’attractions temporaire qui renversait les codes pour célébrer le lugubre et le malaise), il propose à Nettie de rejoindre l’aventure, aux côtés d’une quarantaine d’artistes. Et lui donne pour mission de faire sur place des portraits retournés des visiteurs. “J’avais mon propre espace entre le manège des chevaux et les bateaux automatisés qui transportaient des statues de réfugiés. J’ai dû m’habituer à être observée pendant que je travaillais. Banksy a eu l’idée de me faire travailler à la manière des portraitistes de rue qui dessinent les touristes, sauf que je ne dessinais pas les visages et que ce sont des oeuvres très détaillées qui me prenaient plutôt huit heures que huit minutes ! Je me suis sentie extrêmement honorée et privilégiée de pouvoir faire partie d’un projet aussi intéressant. Je m’y suis fait des amis pour la vie.” Elle y rencontre notamment des sculpteurs qui l’inspirent, et commence à s’intéresser plus particulièrement au bronze. Depuis, elle développe son savoir-faire pour explorer ce nouveau moyen d’expression. Sa page Instagram montre quelques images d’un projet de sculpture en bronze élaborée à partir d’une poupée gonflable démembrée – le résultat devrait s’intégrer dans sa prochaine exposition, prévue à la galerie Jason Vass à Los Angeles, pour Pâques 2017. En attendant, on peut contempler sur son site la série 100 Objects, où elle sublime des objets du quotidien (canette écrasée, peau de banane, carte à jouer chiffonnée…) en utilisant parfois l’aquarelle. Ne pas croire pour autant qu’elle se lasse du crayon, son outil de prédilection : “On ne peut rien cacher avec le crayon. C’est là que beaucoup d’artistes ont débuté. C’est comme la source d’un ruisseau. On l’associe souvent à un tracé sur une carte, ou à un dessin préparatoire. Je préfère en faire ma technique principale, mon oeuvre finie. Je sens qu’il peut capturer à la fois l’apparente simplicité et la profondeur provocante du sujet.” Une philosophie qui lui va trait pour trait.
AVANT SA DEUXIÈME EXPO EN SOLITAIRE, PRÉVUE À LOS ANGELES AU PRINTEMPS PROCHAIN, L’ARTISTE ANGLAISE NETTIE WAKEFIELD NOUS PARLE DE SA PASSION POUR LE DESSIN AU CRAYON ET DE SES INCROYABLES PORTRAITS À L’ENVERS QUI ONT SÉDUIT BANKSY.