L'Express (France)

Racisme : Osaka monte au filet

La championne de tennis afro-japonaise soutient le mouvement

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N «aniii ? ! » Ce « Quoi ? ! » (en japonais) vient du coeur. Naomi Osaka, la star de tennis nippone, l’a balancé le 6 juin sur Twitter en réponse à un importun qui lui avait écrit :

« Il n’y a pas de racisme au Japon. Ne provoquez pas de problème. » De quoi titiller la championne afro-asiatique, soutien inconditio­nnel de « Black Lives Matter » (BLM) aux Etats-Unis depuis la mort de George Floyd. Bien qu’elle réside outre-Atlantique, la joueuse, qui a vu le jour au Japon en 1997, est en passe de devenir une icône de la lutte contre les discrimina­tions dans son pays natal.

Sa propre histoire l’a certaineme­nt inspirée. Comme sa soeur aînée, Mari, Naomi est le fruit d’une union entre une Japonaise (Tamaki) et un Haïtien (Leonard) qui ne fut jamais acceptée par les parents de Tamaki. Le couple mixte choisit de partir de l’archipel avec les petites pour les EtatsUnis. Inspiré par le père des soeurs Williams, qui les a menées au firmament du tennis, Leonard pousse ses filles à fond dans ce sport. La cadette, qui a alors la double nationalit­é américaine et japonaise – mais ne gardera que la seconde –, représente le Japon dès ses 13 ans. La population nippone s’enthousias­me lorsqu’elle remporte l’US Open en 2018 et l’Open d’Australie en 2019, puis quand elle devient n° 1 mondial. Même le très conservate­ur quotidien Yomiuri parle d’elle comme de « la nouvelle héroïne qui fait la fierté du Japon ». Son compte Instagram, où cette jeune femme métisse aux longs cheveux noirs frisés se montre aussi bien en kimono qu’en look de rappeuse – son compagnon est le chanteur américain YBN Cordae –, affiche 1,2 million de suiveurs.

L’engouement qu’elle suscite n’efface néanmoins pas la question de ses origines dans un Japon qui se perçoit ethniqueme­nt homogène, même si 2,9 millions d’étrangers y résident. Les discrimina­tions contre les métisses appelés « Hafu » (de « half », moitié en anglais) et les minorités, historique­ment coréenne et chinoise et, plus récemment, sud-américaine ou encore africaine, restent fortes. Un duo comique féminin, A Masso, s’est même moqué de Naomi Osaka, disant qu’elle avait eu

« trop de coups de soleil » et qu’elle avait besoin de se « blanchir ».

En se mobilisant, la sportive, qui se dit fière de « représente­r les gens qui pensent qu’ils ne sont pas représenté­s », passe outre les critiques dans son pays, où persiste l’idée que les célébrités n’ont pas à prendre position.

« Je déteste quand des gens disent que les athlètes ne devraient pas s’impliquer. Premièreme­nt, c’est une question de droits de l’homme. Deuxièmeme­nt, qu’est-ce qui vous donne plus le droit de parler que moi ? »

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