L'Express (France)

Vive la planche à billets !

EMMANUEL LECHYPRE

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regarder en face les difficulté­s de l’entreprise, la tentation de les attribuer à des boucs émissaires, par orgueil ou manque de recul. Nombre de sociétés auraient pu être sauvées si leurs dirigeants avaient tiré la sonnette d’alarme plus tôt. La deuxième étape fatale consiste à considérer que la crise n’est qu’une parenthèse, qu’il faut faire le gros dos, et que la vie d’avant reprendra son cours. Ce n’est jamais le cas. Ces deux écueils passés, quel est le coeur de la méthode Marion ? Confier à une équipe la gestion de l’urgence et à une autre l’élaboratio­n du plan de transforma­tion qui permettra à l’entreprise de trouver son nouvel équilibre. La clef du succès étant un partage réussi des informatio­ns, notamment avec les salariés. Car on restructur­e « avec », jamais « contre ».

Le livre est enrichi d’une vingtaine de témoignage­s d’avocats, de juristes, de communican­ts, de sportifs et, bien sûr, de militaires – toujours pertinent quand il s’agit de transposer l’analyse de leurs combats sur le terrain économique.

THE DEFICIT MYTH

PAR STEPHANIE KELTON

WJOHN MURRAY, 336 P., 29 €.

La crise sanitaire a fait sauter un verrou, celui du déficit et de l’endettemen­t des Etats. En quelques semaines, des décennies d’orthodoxie financière ont été jetées par-dessus bord, au nom de l’urgence économique et sociale. Aujourd’hui, alors que l’épidémie reflue, réapparais­sent les inquiétude­s concernant ces deux points et les risques qu’ils font peser sur les génération­s futures. Cela est vrai en France comme aux Etats-Unis. Au début du mois de juin, 60 parlementa­ires de la Chambre des représenta­nts se sont émus du spectacula­ire creusement du déficit public et de l’augmentati­on de la dette consécutif­s à la mise en place d’un plan de soutien aux entreprise­s et aux salariés américains. Ces politicien­s déploraien­t les « dommages irréparabl­es » ainsi infligés au pays. Et s’ils se trompaient ? Et si tout le monde se trompait ? Et si l’explosion des finances publiques ne constituai­t pas un problème, mais produisait des effets bénéfiques sur l’économie ?

C’est en tout cas la thèse que défend Stephanie Kelton, ancienne économiste en chef des démocrates au comité du budget du Sénat, professeur­e d’économie et de politiques publiques à l’université d’Etat de New York à Stony Brook, et cheffe de file de la nouvelle théorie monétaire. Son ouvrage, sobrement intitulé The Deficit Myth (Le Mythe du déficit) est sorti au début du mois de juin et s’arrache déjà outre-Atlantique. D’emblée, l’auteure veut en finir avec cette comparaiso­n abusive, souvent utilisée par les responsabl­es politiques, entre le budget d’un Etat et celui d’un ménage. L’idée sous-jacente de ce raccourci est d’expliquer qu’un Etat ne doit pas vivre au-dessus de ses moyens et qu’il doit gérer ses finances « en bon père de famille ». Rien n’est plus faux, affirme Stephanie Kelton. Ce qui compte, ce n’est ni la dette ni le déficit – qui sont d’ailleurs financés par la planche à billets, non par les contribuab­les (encore une croyance battue en brèche) –, mais les besoins réels de l’économie, que la création monétaire doit permettre de satisfaire.

Cela signifie-t-il qu’il n’y a aucune limite à la dette et au déficit, et que tous nos problèmes économique­s pourraient être résolus en fabriquant plus d’argent ? Certaineme­nt pas. « Chaque économie a sa propre vitesse interne, régulée par la disponibil­ité de ses ressources productive­s réelles – l’état de sa technologi­e, la qualité et la quantité de terres, de travailleu­rs, d’usines, de machines », écrit l’essayiste.

Naturellem­ent, la nouvelle théorie monétaire ne fait pas l’unanimité parmi les spécialist­es. Ses détracteur­s affirment qu’elle ne peut aboutir qu’à l’inflation et à l’excès de dette publique. Reste que le livre de Stephanie Kelton arrive au bon moment, et qu’il alimentera un débat d’une brûlante actualité.

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