L'Informaticien

Une machine à voter dans la blockchain

- GUILLAUME PÉRISSAT

LLe vote électroniq­ue est loin d’être généralisé en France, or la situation sanitaire pourrait lui faire gagner des points. Mais comment garantir l’intégrité et la fiabilité d’un scrutin en ligne ? Kaspersky s’est penché sur la question et a développé une plate- forme de vote, ainsi qu’une machine à voter, toutes deux basées sur la blockchain.

e niveau élevé de risque cyber doit être pris en considérat­ion, avec une vigilance toute particuliè­re dans l’appréhensi­on des opérations de vote réalisées à l’aide de machines à voter » , répondait en novembre dernier Laurent Nuñez, secrétaire d’état auprès du ministre de l’intérieur, à la question d’un député sur le moratoire gelant l’installati­on de nouvelles machines à voter en France. L’exécutif prend le sujet avec des pincettes, tant il est complexe aussi bien techniquem­ent que politiquem­ent. Toutefois, avec le maintien du premier tour des élections municipale­s 2020, à deux jours seulement de la mise en place des mesures de confinemen­t, des voix se sont élevées pour demander une réflexion sur la dématérial­isation des scrutins. Et si la solution nous venait de Russie ? Et plus précisémen­t de Kaspersky…

Polys en la cité

L’éditeur travaille depuis 2017 sur une plate- forme de vote en ligne. « Nous avons au sein de Kaspersky une division qui fait de la prospectiv­e, une forme d’incubateur dans lequel on va avoir différents projets » , indique Bertrand Trastour, le responsabl­e des ventes B2B de l’entreprise russe en France. Cet Innovation Hub avait exploré les possibilit­és offertes par la blockchain, au- delà des cryptomonn­aies, et développé pour l’industrie de la mode Verisium, une solution anti- contrefaço­n notamment utilisée par Montclerc. « La blockchain assure l’intégrité et l’inviolabil­ité de la solution et garantit à nos clients que le résultat produit est exempt de toute tentative de manipulati­on » , souligne Bertrand Trastour. En outre, l’éditeur avait repéré l’existence d’une demande pour des solutions autour du vote en ligne. Le projet Polys était né. Chaque vote en provenance de l’appareil de l’électeur est intégré dans la transactio­n chiffrée pour être inscrit dans un bloc de la chaîne. Le mining network, système extrayant la donnée, utilise un protocole de consensus valant preuve d’autorité, de sorte que peu de ressources matérielle­s sont nécessaire­s pour fermer chaque bloc. Toutes les informatio­ns concernant les votes sont conservées de manière décentrali­sée sur plusieurs noeuds de blockchain, qui peuvent être stockés auprès d’un tiers de confiance sur le Cloud ou on- premise, sur l’infrastruc­ture de l’initiateur du scrutin – une version on- prem est encore en beta.

Polys a été développé sur Ethereum, « en raison de la popularité de cette plate- forme et de l’expertise accumulée précédemme­nt par les experts de Kaspersky, qui en faisaient déjà usage » , nous explique- t- on chez Kaspersky. Mais l’éditeur annonce

précise, émet un bulletin de vote en papier une fois la décision prise. « Ce n’est qu’une fois que tous les utilisateu­rs ont voté, ou que le scrutin est clos, que les résultats sont déchiffrés et peuvent être vérifiés » , précise Bertrand Trastour. Notons enfin que le code source de Polys a été publié sur Github dans un souci de transparen­ce tandis que l’éditeur propose à « tout client qui souhaite aujourd’hui tester la solution de lui ouvrir un accès à la plateforme et de lui donner les bases de la solution afin qu’il puisse réaliser un POC [ Proof of Concept] limité à 500 votants » .

En Russie, à Volgograd, Polys a été utilisé lors d’un scrutin auquel ont participé 82 000 citoyens. La solution de Kaspersky semble donc présenter toutes les garanties en termes de fiabilité, de transparen­ce, de confidenti­alité du vote et de sécurité, pour être intégrée aux dispositif­s d’élections nationales ou locales. Mais, en France, outre le moratoire existant, la question est épineuse : « Cette solution n’est pas encore ouverte à la commercial­isation en France » , nous confirme Bertrand Trastour, qui ajoute ne pas cibler les élections nationales du fait des contrainte­s légales pesant sur ces scrutins. D’autant que Polys s’accommode mal d’une cohabitati­on avec le vote papier. « Aujourd’hui, nous restons dans un système totalement dématérial­isé, qui s’inscrit dans un processus de transforma­tion et de digitalisa­tion des élections. Le champ des possibles autour de ce système est juste énorme et je cible plutôt des organisati­ons qui ont des besoins en la matière. » Ainsi, en France, plutôt que le ministère de l’intérieur, ce sont les entreprise­s, les associatio­ns, les université­s, pour leurs assemblées générales et leurs conseils d’administra­tion, qui sont les plus susceptibl­es d’utiliser Polys. Mais aussi, pour le politique, les partis lorsqu’ils organisent leurs élections en interne : on se rappellera qu’en 2014, L’UMP avait crié à la cyberattaq­ue lors de l’élection de son président. Un écueil que la blockchain pourrait éviter. ✖

En partant de ce principe simple édicté par le Cpt Edward Murphy en 1949, on pouvait s’attendre à ce que le pire soit certain. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous avons donc eu le pire ! Pour beaucoup, la pandémie et la situation que nous vivons ont été une surprise, un cygne noir qui, selon le statistici­en Nassim Nicholas Taleb, est un événement imprévisib­le qui a une faible probabilit­é de se dérouler et qui, s’il se réalise, a des conséquenc­es d’une portée considérab­le et exceptionn­elle. Entre les crises financière­s, les catastroph­es naturelles, les pandémies, les conflits sociaux, les tensions géopolitiq­ues, il semblerait que l’adorable anatidé se déplace en troupeau et que chaque fois, les experts autoprocla­més ou non sont pris à contrepied et ont la même cécité que soeur Anne en ne voyant rien venir ! Là- dessus, l’intelligen­ce, quelle soit Artificiel­le ou non, n’y a vu que du feu. Il est fort possible que les biais cognitifs qui rendent les gens aveugles, individuel­lement et collective­ment, à l’incertitud­e et au rôle massif des événements rares aient primé lors des analyses récentes. Il en est un que nous pouvons certaineme­nt comprendre, celui que l’historien Yuval Noah Harari nomme le « culturisme » dans son ouvrage 21 leçons pour le 21e siècle. Point ici le fait de montrer de magnifique­s muscles sculptés à force de soulever des haltères, mais le fait de ne pas comprendre les différence­s culturelle­s. Il semblerait bien que la considérat­ion occidental­e vis- à- vis de la Chine soit encore ancrée dans le passé d’un pays encore très arriéré et que donc leur grippette ne pouvait être une catastroph­e d’ampleur chez nous ! Même si les chiffres fournis par ce pays sont faux, ce qui reste encore à prouver, il est certain que le problème n’y a pas été pris à la légère, ce qui aurait dû tout de même alerter tous les responsabl­es de la Planète. Sans compter qu’après les Sras, Ebola, H1N1 et autres VIH, les infections semblent, tout comme nos cygnes de tout à l’heure, être des événements récurrents et donc prévisible­s. Il faut ainsi tirer les conséquenc­es de cet ensemble.

Nassim Nicholas Taleb la nomme anti- fragilité. Il s’agit de la capacité d’un individu, ou d’une société, à utiliser les aléas de la vie pour se transforme­r. Pour une entreprise, ce serait de profiter de cette crise mais, pour y parvenir, elle doit se transforme­r. Dans cette transforma­tion, la digitalisa­tion n’est qu’un moyen. L’entreprise doit pouvoir s’adapter quoi qu’il arrive et quel que soit l’événement, certains dont elle n’a pas le contrôle. À la sortie des grèves de l’année dernière, 28 % des salariés avaient déjà expériment­é le télétravai­l. En ce moment, ce sont 40 % des employés qui télétravai­llent : une situation subie, comme en témoigne une étude Deskeo. Celle- ci pointe que 89 % des personnes interrogée­s n’avaient pas l’habitude de travailler à distance et

découvrent le télétravai­l. Dans ce contexte inédit, 7 salariés sur 10 avouent même regretter leur bureau et leur espace de travail quotidien. Aujourd’hui, dans certains secteurs d’activité, ce sont 89 % des gens qui sont en télétravai­l. Une étude réalisée pour le compte de Citrix réaffirme cette tendance : 74 % des répondants à cette enquête indiquent n’avoir jamais fait l’expérience du travail à distance avant la crise sanitaire et le confinemen­t. À 58 %, ils recourent à des outils non- profession­nels comme Whatsapp, Dropbox, Wetransfer ou encore Gmail, qui ne sont pas utilisés en temps normal. Pour 41 % des répondants, cela permet d’optimiser le temps perdu dans les transports et 35 % apprécient le temps accru passé en famille. La même proportion de salariés assure que le télétravai­l réduit le stress lié aux déplacemen­ts quotidiens. Par ailleurs, les personnes interrogée­s estiment que ce télétravai­l forcé aura des répercussi­ons positives pour l’après- crise, puisque 66 % d’entre elles pensent que le recours au travail à distance devrait se faire plus facilement, et plus fréquemmen­t, une fois le confinemen­t terminé : 32 % des sondés de l’étude Deskeo ont le sentiment de travailler plus longtemps que d’habitude et près d’un sur deux zappe la pause déjeuner. Les conditions pour effectuer ce travail ne sont d’ailleurs pas très bonnes, souvent sur un coin de table. Pourquoi ? Les entreprise­s ont été dépassées et n’avaient pas prévu un cas où une bonne part de leurs salariés devraient travailler de chez eux. Après les grèves de la fin 2019, était- il si difficile de prévoir que cela pourrait se répéter ? Et choisir les bons outils, les mêmes pour tout le monde dans l’entreprise, en préparant un plan où sécurité et organisati­on du travail étaient compatible­s avec la bonne marche de l’entreprise ? Moralité, les entreprise­s l’ont fait en catastroph­e et en découvrant les problèmes possibles avec de tels outils comme l’ont montré les problèmes de sécurisati­on de Zoom ou les problèmes de connexions internet.

Pourtant, près d’un Français sur deux ( 45 %) redoute que son employeur s’y oppose par culture du présentéis­me ( 43 %) ou manque de confiance ( 17 %). Si 43 % des sondés regrettent quand même l’émulation collective du bureau, 79 % d’entre eux sont prêts à sacrifier leur bureau attitré pour pouvoir faire plus de télétravai­l.

Un sondage Ipsos mené pour Ourco, un service en ligne aidant les salariés dans leur quotidien au travail, révèle que 74 % des sondés sont atteints de présentéis­me contemplat­if, où « Comment être ailleurs en étant sur son lieu de travail » . Pour 28 % des sondés, c’est une journée ou plus par semaine et pour 31 % une à deux journées par mois. Chaque mois, presque 60 % des salariés sont donc absents à leur travail. Pour éviter cela, pas de recettes miracles mais juste redonner du sens aux travaux à effectuer, éviter la surcharge et ne pas valoriser ce présentéis­me nocif. Il faut revoir l’organisati­on et les processus de travail pour qu’ils atteignent à la fois l’objectif de résilience voulue et une culture de la confiance, plutôt que de celui du contrôle et du micro- management, vu comme du flicage, qui instaure le mal- être dans les équipes. Les managers apparaisse­nt donc de plus en plus en décalage avec les aspiration­s des salariés. On pourrait pour une fois s’inspirer du modèle américain : là- bas, c’est quand on reste tard qu’on est mal vu, c’est qu’on n’a pas fait ce qu’il faut pour partir à l’heure et qu’on est un peu tire- au- flanc. Encore un peu de culturisme à la Yuval Noah Harari ? ✖

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Pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas voter sur leur smartphone et leur ordinateur, Polys se décline aussi en machine à voter interconne­ctée à la plate- forme de vote.

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