RIGOR MORTIS
En 2005, John Ioannidis, professeur de médecine à l’université Stanford, publie un article intitulé « Pourquoi la plupart des découvertes publiées sont fausses ». Il y dénonce un manque de rigueur largement répandu au sein de la recherche médicale. L’article marque le début de la « crise de la reproductibilité » en science, c’est-àdire la prise de conscience qu’un grand nombre de résultats publiés par les revues scientifiques sont très souvent impossibles à reproduire. Une situation particulièrement problématique en médecine où il en va de la santé de la population. Dans ce livre, le journaliste scientifique Richard Harris enfonce le clou en dressant un tableau sans concession des inepties de la recherche médicale. Le titre en latin, Rigor Mortis, qui désigne la rigidité cadavérique, évoque ici la mort de la rigueur en médecine. Harris commence par revenir sur différentes études ayant confirmé le constat de Ioannidis et montre, exemples à l’appui, comment les chercheurs se fourvoient dans leurs travaux. Il y a bien sûr, comme dans toute activité de recherche, des expériences mal conçues ou mal interprétées, et des méthodes et des résultats insuffisamment contrôlés. Mais il y a aussi des problèmes inhérents à la médecine. Par exemple, les lignées cellulaires sont souvent contaminées par des cellules indésirables, sans que les chercheurs ne s’en soient rendu compte. Également, les anticorps utilisés sont loin de toujours correspondre à ce qu’ils sont censés être. Par ailleurs, il dénonce le recours massif aux animaux comme modèle de l’humain, ce qui entraîne nombre d’erreurs médicales. Pourquoi une telle gabegie ? La pression énorme à laquelle sont soumis les chercheurs, qui les pousse à publier pour obtenir des crédits, parfois au détriment de la qualité, est bien sûr en cause. Mais ces chercheurs ont aussi une part de responsabilité, par leur réticence à partager leurs données et résultats négatifs, ou leur tendance à se précipiter vers des programmes de recherche ayant potentiellement un fort impact sur la société. Harris estime toutefois qu’il est possible de réinsuffler un peu de sérieux dans la recherche médicale et présente plusieurs initiatives allant dans ce sens. La recherche médicale réussira-t-elle à retrouver le chemin de rigueur ? Rendez-vous dans quelques décennies…