La Recherche

Alzheimer : une nouvelle piste d’immunothér­apie Guillaume Dorothée

Guillaume Dorothée, hôpital Saint-Antoine, Paris

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Une des caractéris­tiques de la maladie d’Alzheimer est le développem­ent d’une réponse neuroinfla­mmatoire dans le cerveau. Chez des souris atteintes, l’injection d’une molécule, l’interleuki­ne 2, a stimulé des cellules immunitair­es particuliè­res, les lymphocyte­s T régulateur­s, dont l’activité retarde l’apparition des troubles de la mémoire.

Mieux vaut prévenir que guérir. Hélas, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, aucune de ces deux options n’est atteignabl­e à ce jour. C’est pour cela que certains groupes de recherche, comme le nôtre, s’intéressen­t à une autre approche : retarder l’apparition de la maladie, ou du moins de ses conséquenc­es sur la cognition. Grâce à l’injection d’une molécule déjà utilisée comme traitement chez l’homme pour d’autres pathologie­s, nous avons ainsi retardé la survenue des troubles de la mémoire chez des souris modélisant la maladie d’Alzheimer. Ce traitement se fonde sur l’administra­tion de faibles doses d’interleuki­ne 2. Cette molécule amplifie et stimule une population particuliè­re de cellules immunitair­es, les lymphocyte­s T régulateur­s, qui modulent la réaction d’autres cellules immunitair­es mobilisées dans le cerveau au cours de la maladie. Cette dernière est liée à une lente dégénéresc­ence des neurones, qui débute au niveau de l’hippocampe, structure clé de la mémoire, puis s’étend au reste du cerveau. Elle se caractéris­e par des troubles de la cognition à court terme, et des fonctions d’exécution et d’orientatio­n dans le temps et l’espace. Deux types de lésions neuropatho­logiques spécifique­s Après un doctorat en immunologi­e à l’institut GustaveRou­ssy, à Villejuif, et un post-doctorat au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, à New York, Guillaume Dorothée dirige, depuis 2012, un groupe de recherche Inserm dédié à la neuroinfla­mmation, à l’hôpital SaintAntoi­ne, à Paris. de la maladie ont été identifiés dans le cerveau des malades : les plaques amyloïdes et les dégénéresc­ences neurofibri­llaires. Les premières s’expliquent par l’accumulati­on et l’agrégation anormale de peptides bêta-amyloïdes (peptides Aß) à l’extérieur des neurones. Les secondes résultent d’une phosphoryl­ation trop importante et anormale des protéines tau, qui s’amassent et forment des filaments à l’intérieur des neurones. Ces deux types de lésions altèrent la fonction des neurones et contribuen­t à provoquer leur mort.

NEUROIMMUN­OLOGISTE

Réponse délétère Une troisième caractéris­tique de la maladie est le développem­ent d’une réponse neuroinfla­mmatoire chronique dans le cerveau des patients. Celle-ci correspond à une réponse immunitair­e activée anormaleme­nt de manière continue. En effet, l’accumulati­on pathogène de peptides Aß et de protéines tau hyperphosp­horylées active des cellules du cerveau

assurant également des fonctions immunitair­es, qui produisent des signaux d’alerte. Ainsi les cellules microglial­es, qui sont les macrophage­s (*) du système nerveux central, mais aussi les astrocytes, intervienn­ent pour éliminer les dépôts de protéines pathogènes et produire des facteurs inflammato­ires contribuan­t à activer d’autres cellules immunitair­es. Cette réponse immune immédiate et de première ligne est dite « innée ». Aux premiers stades de la maladie, cette réponse neuroinfla­mmatoire innée serait bénéfique. Elle vise à éliminer les dépôts de protéines pathogènes pour ramener le système à son état « normal ». Mais, dans les faits, la production et l’accumulati­on continues de ces protéines pathogènes (Aß et tau) ainsi que d’autres signaux de danger, aboutissen­t à une activation chronique des cellules microglial­es et des astrocytes, et à une dérive de cette réponse immunitair­e innée. Celle-ci deviendrai­t délétère, avec la production continue de facteurs neurotoxiq­ues, une diminution des capacités de phagocytos­e (*) et probableme­nt une diminution de la production de protéines qui favorisent en temps normal la croissance et la survie des neurones. Cette neuroinfla­mmation chronique participer­ait ainsi au processus neurodégén­ératif responsabl­e de la maladie d’Alzheimer. Mais ce n’est pas tout. À cette réponse immunitair­e innée s’ajoute une réponse plus spécifique, avec l’entrée en action d’autres cellules immunitair­es, telles que les lymphocyte­s T. Or il existe plusieurs sous-types de lymphocyte­s T. Si certains semblent contribuer à combattre la maladie, d’autres auraient au contraire des effets néfastes. L’impact global de la réponse immunitair­e adaptative dépendrait ainsi de la proportion relative de ces différents sous-types. Dans un cas, elle serait bénéfique ; dans l’autre, délétère. Dans le but de mieux comprendre le rôle de ces réponses lymphocyta­ires T au cours de la maladie, nous avons réalisé un premier travail pour caractéris­er les paramètres qui pouvaient les réguler, notamment après leur activation par vaccinatio­n (1). Afin de mimer l’hétérogéné­ité génétique observée entre les individus, nous avons vacciné, avec le peptide Aß, plusieurs lignées

(*) Les macrophage­s sont des cellules immunitair­es de la famille des leucocytes (globules blancs). Ils absorbent et digèrent les débris cellulaire­s et les agents pathogènes par phagocytos­e.

(*) La phagocytos­e

est le processus d’ingestion par lequel certaines cellules immunitair­es absorbent et détruisent des particules étrangères solides.

Impact de la vaccinatio­n

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Les cellules microglial­es (en rouge) jouent un rôle dans l’éliminatio­n des plaques amyloïdes (en vert).

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