À
Funchal, capitale heureuse et fleurie de l’île de Madère, il est interdit de poser le pied sans avoir relu quelques pages de Jacques Chardonne. Le romancier délicat des destinées sentimentales a publié en 1953 un livre intitulé Vivre à Madère dont le charme continue d’agir puissamment. « Madère est une île assez semblable à un Eden. Il n’y fait jamais froid, ni trop chaud, et l’océan qui la baigne n’est jamais furieux. »
D’Atlantique et d’Afrique à la fois, ce paradis tropical était élu pour produire du vin. Le terroir madeirense est incroyablement beau. Plantées en terrasse, les vignes dégringolent des hauteurs volcaniques de l’île vers la mer. Les Portugais débarqués au XVe siècle ont d’abord cultivé la malvasia, renommée malmsey. Puis ils ont introduit le boal, le sercial, le terrantez et le verdelho, des cépages blancs qui ont fait la réputation mondiale des vins mutés de Madère. À l’exception du tinta negra, un cépage rouge, ce qui a été planté par la suite ne fait pas toujours sens, surtout ces dernières années. À Madère, le bon est rare, à peine un dixième des dix millions de bouteilles produites annuellement sur l’île. Les noms de grandes maisons témoignent des origines britanniques du commerce du vin à Funchal : Blandy’s, Leacock’s, Cossart Gordon & Co.
Entre tant de producteurs à la réputation ancienne, une dégustation attentive des vins du coin m’autorise cependant à distinguer un domaine familial plus récent, dont l’excellence doit beaucoup