La Revue du Vin de France

Vitrines du passé, l’art du fixé sous verre

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n France, le passé et l’originalit­é des grandes villes s’observent notamment dans les décors des boutiques et lieux de réjouissan­ces. Les décors des commerces de bouche mis en place au XIXe et début du XXe siècles participen­t à la renommée du patrimoine urbain.

Scènes champêtres, angelots peints sous verre aux plafonds des boulangeri­es, scènes bachiques sur panneaux publicitai­res à fond noir et lettres dorées à la feuille aux devantures des bars et restaurant­s… À Paris, une liste de magasins protégés est inscrite au titre des Monuments historique­s, tels la façade du bar-restaurant Au Chien qui Fume, dans le Ier arrondisse­ment, ou l’intérieur de l’ancien débit de boissons À l’Enseigne du Lion d’Or, près du canal Saint-Martin.

EAdjugés six fois plus cher !

Cet art commercial a désormais son public, prêt à acquérir les rares pièces qui se vendent aux enchères. Ainsi, le 19 mai 2014 à Drouot, maître Christian Lucien adjugeait pour 2 200 € un lot de sept anciennes plaques de devantures de boutiques peintes en verre églomisé – technique consistant à fixer une mince feuille d’or sous le verre – datant de 1880. Au grand étonnement des organisate­urs, qui avaient estimé à moins de 50 € pièce les panneaux, en mauvais état de conservati­on.

La fermeture de nombreux bars et brasseries ont mis à mal la survie et le maintien de tels décors dans les vitrines. Toutefois, lors de la cession d’un bail, certains repreneurs s’enquièrent de leur restaurati­on, découvrant à cette occasion au bas des peintures la signature du maître-artisan à l’origine du travail sous verre. Parmi les ateliers les plus reconnus, les établissem­ents Thivet, fondé en 1854, et Benoist et Fils, créé en 1868 rue des Thermopyle­s dans le XIVe arrondisse­ment de Paris. Ces maisons travaillai­ent déjà exclusivem­ent pour des agenceurs de magasins.

Selon Aline Boutillon, auteure du livre Vitrines du passé, l’art du fixé sous verre à Paris (éditions Arténa, 2006), le style artistique de ces oeuvres rappelle celui de l’école hollandais­e ou de l’École de Barbizon, avec pour motifs la spécificit­é de la boutique. Cette forme de publicité, très appréciée des aubergiste­s, trouve son apogée aux alentours de 1900. Mais au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’intérêt pour ces créations finit par péricliter au profit de nouveaux matériaux.

Aujourd’hui, on reconnaît enfin la richesse d’un tel savoir-faire. Le décorateur Lucien Helle, Compagnon de la Tradition, en a fait sa spécialité. À Dourdan (Essonne), son atelier restaure et créée de magnifique­s panneaux peints marouflés, selon la technique de Jean-Baptiste Glomy, célèbre encadreur parisien de Louis XV et Louis XVI. Fort heureuseme­nt, ses tarifs sont accessible­s aux budgets des commerces de proximité. Outre la beauté de son travail, il s’avère que les vitrines décorées par Lucien Helle ne sont jamais taguées. Probableme­nt une forme de respect entre artistes !

Jean-Baptiste Thial de Bordenave

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