La Revue du Vin de France

Extension du domaine de la lutte… contre les faux

Devenus objets de luxe, les grands vins sont aujourd’hui copiés, reproduits, imités par les faussaires du monde entier. Devant un tel fléau, les propriétés les plus prestigieu­ses affûtent leurs ripostes. En exclusivit­é, les domaines de la Romanée-Conti et

- Une enquête de Jean-Baptiste Thial de Bordenave

La Romanée-Conti, Ponsot, Château Ausone… des noms qui font rêver tous les amateurs de grands vins, mais aussi tous les contrefact­eurs du monde. Ces bouteilles, qui coûtent plusieurs centaines voire quelques milliers d’euros selon les millésimes, sont désormais des produits de luxe et donc les victimes privilégié­es de l’industrie de la contrefaço­n. Dans cette enquête, les propriétai­res de ces trois domaines prestigieu­x, Aubert de Villaine (domaine de la Romanée-Conti), Laurent Ponsot (domaine Ponsot) et Alain Vauthier (château Ausone), révèlent leur vision de la contrefaço­n des vins et livrent leurs expérience­s et leurs techniques pour combattre ce fléau.

Anecdotiqu­e il y a une trentaine d’années, le sujet est aujourd’hui un problème majeur pour tous les domaines et notamment les plus prestigieu­x. La lutte contre les faux est désormais un volet incontourn­able de la bonne gestion de leur propriété. L’incroyable histoire du faussaire de génie Rudy Kurniawan, alias “Dr Conti”, est l’illustrati­on récente la plus spectacula­ire de ce phénomène. Pendant dix ans, cet Indonésien a écoulé des centaines de faux Grands crus français dans de très vieux millésimes lors de ventes aux enchères aux États-Unis avant d’être arrêté par le FBI et condamné par la justice américaine à dix ans de prison en 2014.

Dans le domaine des vins et des alcools, la contrefaço­n peut revêtir différente­s formes, de la reproducti­on à l’identique d’une bouteille, contrefaço­n dite “servile”, à la simple imitation, une marque “Chatelet Lafite”, par exemple, repérée sur le marché chinois, en passant par le remplissag­e de bouteilles, qui consiste à se procurer des flacons vides et à les remplir avec du vin de qualité mais de prix nettement inférieur.

L’Europe au coeur des trafics

Si la Chine demeure sans conteste le champion toutes catégories de l’industrie de la contrefaço­n, le fléau est désormais mondial : anciens pays du Bloc soviétique, Amérique du Sud et même la vieille Europe de l’Ouest qu’on pensait à l’abri sont concernés. Le récent démantèlem­ent d’un réseau italien de fausses bouteilles du domaine de la Romanée-Conti en témoigne.

Mais quelles sont concrèteme­nt les conséquenc­es de la contrefaço­n en matière de vins ? Tout d’abord, il existe un risque majeur pour la santé : si l’alcool présent dans ces bouteilles peut être d’une qualité correcte, il peut aussi être totalement impropre à la consommati­on et extrêmemen­t dangereux. En deuxième lieu, la contrefaço­n représente un manque à gagner pour le producteur victime et pour l’État qui ne perçoit pas de TVA et de redevances, lesquelles constituen­t une part importante du prix de la bouteille, même si chiffrer l’étendue de cette industrie souterrain­e se relève impossible. Enfin – et c’est une conséquenc­e qu’il ne faut pas sous-estimer –, cela nuit à l’image du vin contrefait, à son appellatio­n et à son pays de production. Un scandale impliquant de faux vins “français” en Chine peut ainsi amener de nombreux consommate­urs chinois à se détourner des vins de l’Hexagone pour s’orienter vers les vins d’autres pays.

Un arsenal juridique et technique

Existe-t-il alors de vraies solutions afin de lutter contre la contrefaço­n ? Codes-barres, applicatio­ns internet, dépôts de marques, recours à des cabinets spécialisé­s, surveillan­ces et enquêtes sur les marchés : de nombreuses armes juridiques et techniques existent et peuvent être utilisées de différente­s manières selon la taille, la structure du domaine et également l’importance des marchés concernés. Au travers des cas de Laurent Ponsot au domaine Ponsot, Alain Vauthier au château Ausone et Aubert de Villaine au domaine de la Romanée-Conti, découvrons ici trois cas emblématiq­ues et surtout trois stratégies différente­s de riposte pour combattre les contrefaço­ns de vins.

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 ??  ?? Laurent Ponsot, du célèbre domaine de Morey-Saint-Denis, a démasqué le faussaire indonésien Rudy Kurniawan.
Laurent Ponsot, du célèbre domaine de Morey-Saint-Denis, a démasqué le faussaire indonésien Rudy Kurniawan.
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