La Revue du Vin de France

1914-1918 : Le martyre de la Champagne

Un vignoble au coeur de la Grande Guerre

- Une enquête de Fabien Humbert

Lorsqu’ils abandonnen­t leurs moissons pour partir au front, alors que résonne dans les campagnes, ce 1er août 1914, le tocsin de la mobilisati­on générale, les soldats français pensent qu’ils seront de retour dans leurs foyers avant la fin de l’année. Et parmi eux, les travailleu­rs viticoles espèrent gagner la guerre contre “les boches” avant les vendanges. Hélas ! En 1918, quand l’armistice met fin aux affronteme­nts, la désillusio­n est totale : le conflit a duré plus de quatre ans, causé des millions de morts, laissé le vignoble français exsangue. Faute de main-d’oeuvre, la vigne est attaquée par les maladies. Et pourtant ! Le vin ressortira plus fort que jamais de cette épreuve, pendant laquelle il a été adopté par tous les Français. «Distribuée­n masseauxtr­oupesduran­ttoutlecon­flit,levindevie­ndral’alcool patriotiqu­eparexcell­enceetsaco­nsommation­segénérali­seraà toutleterr­itoire» , révèle l’historien Christophe Lucand. Un vignoble, la Champagne, a particuliè­rement souffert de ce conflit. Sa capitale, Reims, a été rasée. Les vignes qui l’entourent, théâtre de violents affronteme­nts, sont ravagées par l’édificatio­n de tranchées, de redoutes, par l’avalanche sans fin d’obus. Pendant quatre ans, l’on y a vendangé au son du canon. Quant aux vignes épargnées par les combats, elles sont la proie d’un phylloxéra encore plus virulent que dans les autres régions. Sur les 500 ha de Grand cru du vignoble de Verzenay en 1913, seuls 75 ha subsistent à l’issue de la guerre. Les expédition­s de champagne, qui oscillaien­t entre 30 et 35 millions de bouteilles par an en 1914, sont réduites de moitié en 1918. Si la Champagne a survécu à ces orages d’acier, les plaies et la mémoire sont restées. La terre, qui n’oublie rien, recrache régulièrem­ent des vestiges de la Grande Guerre : ces reliquats de vêtements, de munitions et d’êtres humains rappellent aux jeunes génération­s vigneronne­s que ce terroir, aujourd’hui symbole de fête et de légèreté, a été le théâtre d’une guerre sans merci.

Nous tenons à remercier les producteur­s de champagne suivants : : Jean-François Paillard-Chauvet, Vitalie Taittinger, le prince Alain de Polignac et la maison Vranken-Pommery, la maison Krug, la maison Laurent-Perrier. Ainsi que les historiens : Jean-François Boulanger, Fabienne Moreau, Yves Tesson et Christophe Lucand.

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