Cité des Antiquaires, une fi n tragique mais prévisible
ALAIN COHEN, PRÉSIDENT DE LA CITÉ DES ANTIQUAIRES Après 50 ans d’existence la Cité des Antiquaires, fi gure majeure du boulevard Stalingrad à Villeurbanne, ferme ses portes. La faute à la crise économique, au manque de réaction des commerçants face au tou
Elle s’était intégrée dans le paysage, devenue une adresse connue de tous, à Lyon comme dans toute la région. Depuis sa création dans les années 1960, le marché aux puces de la place Rivière, devenu Brocante Stalingrad puis Cité des Antiquaires avait su développer ses compétences et sa légitimité. Un lieu unique dans la Métropole, qui va pourtant fermer ses portes au mois d’août. Comment en est- on arrivé là ? Comment une telle institution lyonnaise peut disparaître du paysage aussi rapidement ?
Il faut revenir 50 ans en arrière lorsqu’un petit groupe de personnes mené par Maurice Bramy décide de s’implanter sur ce site et de créer la Brocante Stalingrad, un ensemble de hangars et baraquements qui deviendra en 1989 la Cité des Antiquaires. Un projet porté à cette époque par des gens qui savaient ce qu’était le passé, la culture, l’antiquité. Bref, notre mémoire… Cet écrin réalisé par les frères Georgi sur le modèle du Louvre des Antiquaires, à Paris, était suivi par Charles Hernu, le maire de Villeurbanne à cette époque, un homme de qualité qui connaissait l’importance de ce marché pour l’agglomération : 130 commerçants passionnés d’antiquités qui faisaient de Lyon la deuxième place forte de France après Paris.
Aujourd’hui les choses ont bien changé. L’actuel maire de Villeurbanne, Jean- Paul Bret, n’a que faire de la culture qu’est l’antiquité. Il n’a cessé de fermer les yeux sur notre situation. Il peut les rouvrir, maintenant que la Cité ferme. Après plusieurs rendez- vous et après l’avoir prévenu de nos difficultés financières, il nous a accablé de taxes sur la publicité qui ont bondi de 300 % du jour au lendemain. Malgré nos demandes, le maire est resté ferme sur cette décision… qui nous a rapprochés de la sortie.
Mais tout n’est pas à mettre sur son dos. Nos difficultés sont réelles. Aujourd’hui nous ne sommes plus que quarante commerçants. Ce bâtiment vieillissant demande de gros investissements de remise aux normes alors que la fréquentation du lieu a radicalement baissé. La clientèle américaine, friande d’antiquité dans les années 1990, n’est plus aussi dynamique. Les attentats du 11 septembre 2001 et la crise de 2008 ont enfoncé le clou. Le développement d’Internet nous a apportés une concurrence face à laquelle beaucoup d’entre nous ont tardé à faire face. L’identité de la brocante, un peu artisanale, a toujours habité ce lieu.
Quant aux nouvelles générations, elles n’ont plus le même attrait pour les meubles anciens. Peut- être un manque de connaissance, que sais- je…
La question qui se pose aujourd’hui, est la suivante : que vont devenir les 40 commerçants de la Cité des Antiquaires ? Certains prendront leur retraite, les plus jeunes vont s’en aller vers d’autres lieux, comme les Puces du Canal. Mais il est malheureusement impossible d’imaginer qu’un tel lieu se crée à nouveau. Les temps ont changé, c’est regrettable. La fermeture de la Cité n’aura peut- être pas d’effet immédiat. Mais les Lyonnais et nos enfants nous le reprocheront plus tard. La disparition de ce lieu ferme la porte à notre passé.