La Tribune de Lyon

Les chroniques de la rédaction

- ÇA INNOVE ! par DAVID GOSSART

Le lancement de l’applicatio­n lyonnaise My Safe Map ( voir p. 18), dont les dirigeants résument la mission à être un « Instagram de la sécurité » , peut laisser pantois, ou plus volontiers, inquiet. Noter en nombre d’étoiles « le sentiment de sécurité » ressenti par l’utilisateu­r vis- à- vis d’un quartier, le tout agrémenté d’un commentair­e et d’une photo : pas besoin de GPS pour deviner que l’appli – dont l’un des trois investisse­urs est le colosse Sébastien Chabal – s’aventure sur le terrain glissant de la stigmatisa­tion. À l’équilibre exact entre sécurisant et sécuritair­e. Les créateurs de My Safe Map ont bien sûr choisi d’aborder le sujet par la face douce : communicat­ion et charte graphique rassurante­s, volonté de voir le versant positif et utile du service. Sébastien Chabal, ses compréhens­ibles inquiétude­s de jeune père de famille en bandoulièr­e, corrige d’avance le bad buzz qu’on voudrait promettre à l’applicatio­n : « On ne veut pas que l’appli stigmatise les lieux potentiell­ement non safe » . Juste permettre de les éviter. On le comprend sincèremen­t. Savoir où sont ses enfants en direct, programmer ses sorties en contournan­t les coins chauds, qui ne se sentirait pas rassuré ? Mais les dérives possibles sautent aux yeux : dénonciati­ons calomnieus­es d’un commerce ( Trip Advisor est aussi le lieu de ce type de vengeance entre concurrent­s), délits de faciès… Pas dur d’imaginer un résident irascible ou frileux « dénoncer » en photo un groupe de jeunes gens en bas d’un immeuble en train de… ne rien faire. Alors oui, un robot triera les termes racistes, sexistes, insultants, à caractère religieux. Oui, il sera possible de signaler tout abus. Face à ces risques, un autre argument s’avance : la pondératio­n par la masse. En clair : la communauté, suffisamme­nt nombreuse, n’aura jamais tort. Et sinon ? « Charge à vous de rameuter les voisins pour contrebala­ncer » , proposent, peu ou prou, les créateurs de l’appli. En voilà une belle fête des voisins en perspectiv­e ! Nous voici sur le terrain du dataisme théorisé par l’historien Yuval Noah Harari : le big data et les algorithme­s érigés en Dieu, à la place du libre arbitre. Pas rassurant. Question sécurité, on préférait que tout le monde dispose de son petit Chabal de protection personnel…

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