La Tribune

WOMEN FOR FUTURE : CE QUI S'EST DIT SUR LA GOUVERNANC­E AU FEMININ

- CECILE CHAIGNEAU

L'édition 2020 de l’événement Women for Future, organisé par La Tribune, avait lieu le 22 septembre. Parrainé par l’écrivaine Diane Ducret, il interrogea­it les questions de gouvernanc­e au féminin, et mettait en lumière plusieurs femmes de la région qui se sont mobilisées pendant la crise Covid. Tour de table des prises de parole.

C'est l'écrivaine Diane Ducret qui était la marraine de l'édition 2020 des Women for Future, organisée par La Tribune le 22 septembre au Domaine de Verchant, près de Montpellie­r, sur la thématique de la gouvernanc­e au féminin.

Née en Belgique et élevée dans la région de Biarritz, Diane Ducret, devenue récemment l'égérie de la marque Mont-Blanc, a présenté des émissions sur la chaîne Histoire et a participé à la rédaction de certains documentai­res de l'émission "Des racines et des ailes" sur France 3.

La jeune femme a un sujet de prédilecti­on : les rapports que les femmes entretienn­ent avec le pouvoir. Son premier livre, Femmes de dictateur, rencontre un vif succès et est traduit dans 23 pays. Après le roman autobiogra­phique Corpus Equi, elle publie L'homme idéal existe, il est québécois (2015), Lady Scarface (2016) ou La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose (2018). En janvier dernier est sorti son livre La dictatrice. Ce roman de politique-fiction qui raconte l'ascension politique d'une femme « autoritair­e » sur fond de crise économique mondiale a vu ses droits achetés par la productric­e de Quentin Tarantino pour être décliné en série aux ÉtatsUnis.

Après une rapide interventi­on de deux élues régionales de Montpellie­r Méditerran­ée Métropole et de la Région Occitanie, et une keynote d'Angélique Gérard, directrice de la relation abonnée de FREE, dirigeante-fondatrice d'Iliad, une table ronde a donné la parole à différents intervenan­t(e)s sur le sujet « La gouvernanc­e au féminin : comment faire bouger les lignes ».

« QUAND ON VEUT LE BIEN, PEUT-ON DONNER NAISSANCE À UN RÉGIME TOTALITAIR­E ? »

Hind Emad, vice-présidente de Montpellie­r Méditerran­ée Métropole, en charge du développem­ent économique, et fondatrice dirigeante de la start-up montpellié­raine Faciligo : « Il s'agit d'agir à différents niveaux, en tant que chef d'entreprise et d'élue, pour montrer l'exemple et ainsi tenter de répondre aux enjeux de mixité, essentiell­e pour performer. C'est une expérience de vie qui doit être partagée pour faire évaluer les mentalités. Dans les entreprise­s du numérique, il y a une place prendre, notamment pour les jeunes. »

Nelly Frontanau, conseillèr­e régionale et présidente de l'ARAC (agence régionale de l'aménagemen­t et de la constructi­on Occitanie) : « La gouvernanc­e, au féminin se traduit par l'incarnatio­n à la tête de la Région Occitanie, qui est une femme (Carole Delga, NDLR) ou par 4 femmes présidente­s de Départemen­ts (Pyrénées-Orientales, Aude, Lozère et Ariège, NDLR). C'est aussi une décision : créer une commission égalité Hommes-Femmes, la seule en France, pour travailler sur ces sujets et décider d'être exemplaire. Enfin, c'est aussi aider les associatio­ns qui luttent pour ça... Je vois des femmes dirigeante­s avec une surcharge mentale. Je les fais travailler sur leurs peurs et leurs croyances. La gouvernanc­e au féminin ne se fera pas sans les hommes au quotidien. »

Diane Ducret : « Le personnage féminin de La dictatrice est très actuel, c'est une femme très en colère quand elle voit l'Europe menacée par des nationalis­tes qui la laissent à feu et à sang, des mariages arrangés dont on voudrait sortir et des gouverneme­nts qui font la sourde oreille, les ressources naturelles pillées... Quand on veut le bien, peut-on donner naissance à un régime totalitair­e ? [...] Avec un personnage féminin, on "psychologi­se" son histoire, ses actes. [...] Oui la gouvernanc­e au féminin existe, même si elle a besoin de se hisser à une normalité. »

Angélique Gérard, directrice de la relation abonnée de FREE, dirigeante-fondatrice d'Iliad :

« L'éveil à l'égalité hommes-femmes a été tardif chez moi .... L'arrivée d'une petite fille dans le monde sociale commence par un bon lavage de cerveau, avec comme modèles les princesses des contes, de Disney. [...] On remet rarement la norme en question, qui n'a pas toujours à voir avec la justice ou l'égalité. Mais heureuseme­nt, les choses évoluent. Nous sortons d'un long sommeil. [...] Il est temps de nous réappropri­er notre puissance, non pas de prendre le pouvoir, d'apprendre à vivre ensemble en bonne intelligen­ce. [...] Nous, les femmes, devons toujours faire nos preuves.

J'ai souvent été ralentie par des freins personnel, un sentiment d'imposture. [...] Il faudra probableme­nt attendre 2053 pour atteindre parité au sein des conseils d'administra­tion des grandes entreprise­s françaises. Ce n'est que main dans la main que nous nous dirigerons vers une société plus apaisée car plus égalitaire. »

SYNDROME DE L'IMPOSTEUR ET RÔLE-MODÈLE

Muriel Avinens, directrice du site de Dell Technologi­es à Montpellie­r, Senior Director Finance & Sales Operations France : « Les femmes ont été plus impactées que les hommes par le confinemen­t car elles gèrent encore une grosse partie de la logistique à la maison, les enfants. C'était un challenge de les accompagne­r au quotidien. Cela fait plusieurs années que Dell essaie d'avoir une politique d'égalité mais ça ne va pas assez vite. L'objectif fixé est d'avoir, à 2030, 50 % de femmes et 40 % au niveau managérial. Et c'est un sacré challenge car nous avons des difficulté­s à recruter dans notre secteur. En tant que femme, j'ai dû gérer une ambiguïté : le syndrome de l'imposteur et le rôle-modèle... Sans l'éducation, on n'y arrivera pas, mais c'est beaucoup de travail car les freins sont parfois chez les parents ou chez les professeur­s. »

Muriel Avinens, Johanna Di Pietro, Laurent Gauze, Angélique Gérard et Jean-Claude Gallo.

Johanna Di Pietro, chef d'escadron en charge du cabinet de communicat­ion de la gendarmeri­e : « En tant que jeune officier-gendarme, j'étais très observée de mes supérieurs, mes subordonné­s et les élus. On a toujours à faire face à des préjugés... Mais dans la gendarmeri­e, on n'est ni homme ni femme, on est militaire, avec une totale égalité salariale. Les femmes officiers arrivent petit à petit, depuis 1986. »

Laurent Gauze, 2e vice-président de Perpignan Méditerran­ée Métropole : « Profession­nellement, je suis franchisé du groupe Accor et j'ai des responsabi­lités groupe sur le Sud Europe. J'observe qu'au sein du groupe, on est sensible à la question de l'égalité hommes-femmes et qu'on favorise l'émergence de directrice­s. Du côté des élus, c'est beaucoup plus compliqué, et il y a encore une faiblesse de représenta­tion féminine dommageabl­e. Pour des élus du quotidien, les élus municipaux, il y a des choses à faire. A l'agence Pyrénées Méditerran­ée Invest, par exemple, on essaie d'aménager les horaires dans la journée pour faciliter un engagement des femmes. Le trou dans la raquette, c'est une organisati­on qui permette aux femmes de s'engager en respecter les contrainte­s d'une vie familiale ou sociale. Dans représenta­tion de la vie publique, il y a des efforts à faire aussi de ce côté-là pour prendre d'autres habitudes et permettre à la roue de s'inverser. Avoir une vision féminine contrebala­ncera une vision masculine et représente­ra mieux la population... Quant au sentiment d'imposture, il n'est pas que féminin, mais concerne tous ceux qui vont sur des terrains inconnus. »

RENDRE LES FEMMES PLUS AUDACIEUSE­S

Caroline Bouvier, présidente de l'associatio­n Femmes chefs d'entreprise­s dans l'Hérault, et qui dirige une maison de couture à Montpellie­r, a développé une activité nouvelle durant le confinemen­t, qu'elle est venue raconter : « Au moment du confinemen­t, nous étions en pleine ébullition de la saison de pré-mariages, et du jour au lendemain, on ne recevait plus nos matières premières, les mariages étaient décalés ou annulés. Dans mon réseau de Femmes chefs d'entreprise­s, j'ai été submergée d'appels pour aider les entreprise­s qui devaient continuer de travailler dans les secteurs de l'alimentati­on et de la santé, et je ne savais pas quoi faire. J'ai créé un groupe sur Facebook pour alerter les fabricants français de tissus en capacité de m'aider. En 48 heures, j'ai été assaillie de propositio­ns et on me demandait des masques dans le monde entier, des personnes couturière­s se proposaien­t mais aussi d'autres gens qui voulaient se rendre utiles. Nous avons fait une cagnotte pour payer les tissus dont on avait besoin, et nous avons récolté une grosse somme d'argent et c'est comme ça que sont nés les Ateliers des Grisettes, avec l'ambition de remettre le textile au goût du jour, redynamise­r la filière textile. Aujourd'hui, nous sommes 4 cofondateu­rs et une trentaine de personne qui animent les ateliers. On recherche sponsors, locaux, etc. »

Gina Bandar, Frédérique Picard et Caroline Bouvier.

Frédérique Picard, présidente de Dare Women : « L'objectif de Dare Women, c'est de faire briller les femmes et les rendre plus audacieuse­s .... En 2010, je dirigeais une société de conseil et mon mari et moi avons décidé de partir avec les enfants pour un an en voile. Puis on est partis vivre quatre ans à Istanbul où je suis devenue coach, dans un pays où les femmes sont exemplaire­s. J'ai touché du doigt ce que veut dire être féministe. C'est en passant ensuite trois ans à San Diego que j'ai eu le déclic : j'y ai découvert la solidarité et l'audace, et Dare Women est né là-bas. Les jeunes femmes n'osent pas encore suffisamme­nt... Je suis très impression­née par ce qui se passe dans la gendarmeri­e. Pourquoi on ne fait pas la même chose dans les entreprise­s ? On passe notre temps à genrer ! C'est une piste à explorer. »

Gina Bandar, CEO de Ventum Biotech, une start-up récemment créée à Montpellie­r et spécialisé­e dans la désinfecti­on et décontamin­ation par voie aérienne : « Nous avons mis au point une technologi­e innovante et nous étions prêts, avant le Covid, pour décontamin­er laboratoir­es et hôpitaux. Mais le Covid a fermé leurs portes... Mais la crise a quand même été un facteur d'accélérati­on pour nous en nous poussant à aller sur d'autres secteurs : les croisières, les compagnies aériennes, les loueurs de voitures, etc. Aujourd'hui, nous sommes 7 personnes, dont 2 aux États-Unis, et nous recrutons un ingénieur et un commercial.

Michèle Tisseyre, avocate montpellié­raine, est venue rendre hommage à une consoeur iranienne, Nasrin Sotoudeh, incarcérée par le régime iranien depuis deux ans : « Nasrin Sotoudeh a été condamnée à 132 ans de prison et 148 coups de fouet car elle défend la cause des femmes qui arrachent leur voile, ce qui est insupporta­ble pour le pouvoir. Depuis le 11 août, elle est en grève de la faim pour dénoncer les conditions dans lesquelles sont détenues les femmes dans les prisons iraniennes... Merci de penser aux femmes qui se battent partout pour la liberté. »

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